Question : Si le jour de Pourim, je donne à une seule personne un Michloa’h Manott, mais que cette personne est en difficulté financière et a donc le statut de « Evyon » (nécessiteux), est-ce que je m’acquitte ainsi - par ce Michloa’h Manott - de mes 2 obligations, Michloa’h Manott et Matanott Laevyonim ?
[Rappel : Chacun et chacune a le devoir d’offrir le jour de Pourim 1 Michloa’h Manot (2 cadeaux alimentaires) à au moins une personne, ainsi que 2 Matanott Laevyonim (2 cadeaux à au moins 2 nécessiteux, un cadeau à un et un cadeau à un. Matanot Laevyonim peut être constitué d’argent, de vêtements ou de nourriture, alors que Michloa’h Manot ne peut être constitué que de nourriture.]
Réponse : Avant tout, nous devons expliquer que l’obligation de Matanott La-Evyonim consiste à offrir des cadeaux à au moins 2 nécessiteux.
De ce fait, dans la question qui nous est posée, il est certain qu’il faudra malgré tout offrir un cadeau à un nécessiteux supplémentaire.
Venons-en à présent, à notre question : Lorsqu’on offre un Michloa’h Manott à un nécessiteux, est-ce qu’on s’acquitte aussi par ce geste de l’obligation d’offrir un cadeau à un nécessiteux à titre de Matanott Laevyonim ?
Il est rapporté dans la Guémara Méguila (7a) que Rabbi Yéhouda Néssia (le fils de Rabban Gamliel, et petit-fils de Rabbi Yéhouda Ha-Nassi) envoya (le jour de Pourim) de la viande et du vin à Rabbi Hocha’ya. Celui-ci lui envoya le message suivant :
« Notre maître a accompli envers moi le verset (de la Méguila) :
... וּמִשְׁלֹחַ מָנוֹת אִישׁ לְרֵעֵהוּ, וּמַתָּנוֹת לָאֶבְיֹנִים.
(אסתר ט-כב).
… envoyer des présents l'un à l'autre, ainsi que des dons aux pauvres. (Esther 9-22).
Cela signifie qu’étant donné que Rabbi Hocha’ya était un nécessiteux, il fit savoir à Rabbi Yéhouda Néssia qu’en lui envoyant un Michloa’h Manott il s’était également acquitté du devoir de Matanott La-Evyonim.
Cependant, nos maîtres les décisionnaires débattent à ce sujet, et le Gaon auteur du Touré Aven écrit que le sens de cet enseignement de la Guémara n’indique pas que Rabbi Yéhouda Néssia a accompli en un seul geste Michloa’h Manott et Matanott La-Eevyonim.
Il explique que Rabbi Hocha’ya a voulu lui signifier qu’il a accompli par ce geste ou l’un ou l’autre, mais pas les deux, car il est impossible de s’acquitter des 2 obligations par un seul envoi.
D’autres de nos maîtres les décisionnaires des derniers siècles écrivent qu’il y a même un interdit à agir ainsi en procédant à un seul envoi dans l’intention de s’acquitter des 2 Mitsvot, car nous avons un principe fondamental selon lequel : « on n’accompli pas les Mitsvot en tas » (plusieurs Mitsvot en une seule action), puisque cela pourrait montrer un certain dédain envers les Mitsvot.
Or, lorsque s’accomplissent 2 Mitsvot en une seule fois, il y a là une atteinte au principe selon lequel : « on n’accompli pas les Mitsvot en tas ».
Telle est l’opinion du Gaon auteur du Chou’t Kétav Sofer (chap.139).
D’autres décisionnaires invoquent une autre raison à l’interdit d’accomplir les 2 obligations en une seule fois, car il y a un devoir particulier à accomplir à la fois Michloa’h Manott et à la fois Matanot La-Evyonim de façon distincte.
Notre maître le Rav Ovadia YOSSEF z.ts.l traite du principe selon lequel « On n’accompli pas les Mitsvot en tas » à divers endroits de ses ouvrages ; et il écrit que selon son opinion, lorsque les 2 Mitsvot s’accomplissent par un seul acte, il n’y a pas d’interdit à titre du principe selon lequel « On n’accompli pas les Mitsvot en tas ».
En effet, notre maître le Rav z.ts.l cite une preuve à cela à partir des propos de la Michna dans le traité Péssa’him (35a) où il est expliqué que les Cohanim pouvaient se préparer de la Matsa pour le soir de Péssa’h à partir d’une farine de Térouma (prélèvement agricole offert par tout juif au Cohen du temps où le Temple existait).
Et même si les Cohanim avaient à la fois le devoir de consommer la Térouma et à la fois le devoir de consommer la Matsa le soir de Péssa’h comme chaque juif, malgré tout, la Michna dit explicitement qu’il n’y a là aucun problème Halachique, et il est permis d’agir ainsi.
Il est donc prouvé que lorsque 2 Mitsvot sont accomplies en un seul acte, il n’y a là aucun interdit.
Toute l’interdiction serait uniquement lorsqu’on accompli 2 Mitsvot distinctes ensemble. Par exemple : lorsqu’on désirait purifier le lépreux, on ne devait pas purifier 2 lépreux ensemble.
Mais lorsqu’en un seul acte s’accomplissent 2 Mitsvot, il n’y a là aucun interdit.
Similairement, notre maître le Rav z.ts.l rapporte dans son livre Hazon Ovadia-Pourim (page 159) les propos du Gaon Rabbi Avraham PALLAG’I dans son livre Chou’t Vaya’an Avraham où il relate que ses compagnons d’étude s’interrogeaient s’il était possible ou pas de réaliser un seul repas à l’occasion de l’achèvement de l’étude de 2 traités du Talmud, ou s’il y a là une atteinte au principe selon lequel « On n’accompli pas les Mitsvot en tas ».
Et Rabbi Avraham FALLAG’I écrit que cet interdit n’est en vigueur que lorsqu’on accomplit 2 Mitsvot distinctes aux yeux de tous et qu’elles sont faites en 2 actions.
Mais lorsqu’un seul acte est réalisé afin d’accomplir 2 Mitsvot, il n’y a là aucun interdit.
En conséquence, notre maître le Rav z.ts.l écrit que selon le strict Din, si l’on offre un Michloa’h Manott à un nécessiteux, on s’acquitte par cela de l’obligation de Michloa’h Manott, ainsi que de l’obligation d’offrir un cadeau à un nécessiteux, mais il faut dans ce cas offrir un cadeau supplémentaire à un nécessiteux supplémentaire, et ainsi on s’acquitte de son devoir.
Toutefois, puisque la chose fait l’objet d’une divergence d’opinion parmi les décisionnaires, il est préférable et plus juste d’offrir dans ce cas un Michloa’h Manott à une personne supplémentaire (dans ce cas, le Michloa’h Manott offert au 1er nécessiteux sera considéré comme Matanot Laevyonim à un nécessiteux, ajouté à cela le cadeau offert au 2ème nécessiteux, on aura accompli la Mitsva de Matanot Laevyonim, et le Michloa’h Manott offert à la personne supplémentaire correspondra à la Mitsva de Michloa’h Manott), et on s’acquittera ainsi selon tous les avis.