Il est enseigné dans les Pirké Avot:
Yéhochoua’ Ben Péra’hya dit: « Fais-toi un maître ; acquiert-toi un compagnon d’étude et juge tout homme positivement. »
Cela signifie que lorsqu’on voit quelqu’un de notre connaissance en train de réaliser un acte qui n’est pas clair, un acte que l’on peut d’une part interpréter comme une véritable transgression, mais que l’on peut aussi d’autre part interpréter comme un acte permis que la personne réalise pour une quelconque raison, nous avons le devoir dans un tel cas de porter un regard positif sur cet acte, et penser en nous même que notre ami n’a pas transgresser un interdit.
A ce propos, le Gaon Rabbi Chalom SCHVADRON z.ts.l raconta un fait terrible.
A l’époque de la 1ère guerre mondiale, régnait à Jérusalem une misère effroyable. Des hommes et des femmes mourraient littéralement de faim.
Chacun faisait tout ce qui était en son possible pour obtenir un morceau de pain.
Un œuf était considéré en ces temps comme un véritable trésor.
Avant que la guerre n’éclate, un juif de Jérusalem avait économisé durant plusieurs années sous après sous, jusqu’à obtenir un « Napoléon » en or.
Cette pièce très rare - et de ce fait, très précieuse – allait lui procurer la subsistance, à lui et à sa famille pendant une longue période.
Ce juif plaça le Napoléon au-dessus d’une haute armoire chez lui, en se disant: « Lorsque des jours difficiles viendront, j’échangerai cette pièce et j’achèterai de la nourriture pour mon foyer. »
Un jour, le jeune enfant de ce juif sauta en s’amusant dans la maison, et à sa surprise, il vit le Napoléon qui brillait au-dessus de l’armoire. Il prit la pièce et se rendit rapidement dans un magasin pour y acheter des gâteaux.
En chemin, un homme – véritablement affamé – vit le jeune enfant marcher avec un Napoléon à la main.
Cet homme se dit: « Il existe encore des gens riches à Jérusalem?! Comment peut-on confier à un jeune enfant une telle pièce dans les mains?! »
Son ventre le faisait tellement souffrir à cause de la faim qu’une mauvaise pensée lui vint à l’esprit. Il s’approcha de l’enfant et lui dit:
« Petit ! Qu’as-tu dans les mains? »
L’enfant lui montra la pièce.
L’homme lui dit: « Viens, je vais te donner une pièce d’une plus grande valeur ! »
L’homme prit une simple pièce en cuivre et la donna à l’enfant, en échange du Napoléon.
L’enfant poursuivit son chemin vers le magasin. Il donna la pièce au commerçant et reçu en échange quelques gâteaux.
Quelques heures plus tard, le père de l’enfant – propriétaire du Napoléon – constata que sa précieuse pièce avait disparue! Il commença – lui et tous les membres de son foyer – à retourner toute la maison afin de la retrouver. Ils cherchèrent encore et encore, mais ils ne trouvèrent aucune pièce!
Soudain, l’enfant dit à son père: « Papa! J’ai pris la pièce et je suis allé au magasin pour y acheter des gâteaux, car j’avais faim! » (L’incident qui s’était produit en chemin avait disparu de la mémoire du jeune enfant).
Le père prit l’enfant et se rendit avec hâte au magasin. Il s’approcha du patron avec colère en lui disant : « Mon fils est venu ici avec un Napoléon en or, et tu n’as pas eu honte d’exploiter sa naïveté ! Tu lui as volé la pièce en échange de quelques gâteaux! »
Le commerçant répondit: « Rien de tout cela ne s’est produit! Ton fils est effectivement venu ici, mais il n’avait aucune pièce en or dans les mains, si ce n’est qu’une misérable pièce en cuivre! »
Le père poursuivit le commerçant dans un Din Torah devant l’un des Grands Rabbanim de Jérusalem.
Le Rav écouta les arguments des deux parties, et trancha que le commerçant ne devait rien rembourser!
Cependant, puisqu’en définitif il était poursuivi en justice, et qu’il reconnaissait partiellement ce qui s’était passé (que l’enfant s’était effectivement rendu à son magasin mais avec une pièce en cuivre et non en or), le commerçant fut condamné seulement à un serment que les choses se sont réellement passées tel qu’il le dit, que l’enfant ne s’est présenté qu’avec une pièce en cuivre.
Le commerçant – qui était un juif craignant Hachem et sincère – répondit que de sa vie il n’avait jamais prêté serment, et qu’il n’était pas disposé à le faire présentement.
Il préféra rembourser l’intégralité de la valeur du Napoléon! Et c’est ce qu’il fit.
L’histoire commença à se répandre parmi les habitants de Jérusalem, et beaucoup racontaient: « Avez-vous entendu?? Cet impie de commerçant a exploité la naïveté d’un enfant et lui a volé un Napoléon en or! »
Ainsi, le bon renom de ce commerçant commença à flétrir, au point où tout le monde le considéra comme un pervers, et on boycotta son magasin.
Les choses en arrivèrent à un tel degré que le commerçant annonça sa mise en faillite et ferma son magasin. Il n’avait plus de subsistance.
Le temps passa et la guerre mondiale s’acheva.
La situation économique des habitants de Jérusalem s’améliora, le bien-être commença à montrer ses signes.
Même l’homme affamé qui avait escroqué l’enfant en lui prenant le Napoléon en échange d’une pièce en cuivre, vit sa situation s’améliorer et il décida de rendre l’objet du vol.
Il se rendit chez le père de l’enfant et lui dit:
« Au temps de la guerre, nous étions – moi et ma famille – affamés sans le moindre morceau de pain. Un jour, je vis ton fils qui marchait dans la rue comme un grand riche avec un Napoléon en or dans les mains. Je me suis dit que si tu étais si riche, tu serais certainement d’accord à ce que je t’emprunte temporairement la précieuse pièce. J’ai donc donné à ton fils une pièce en cuivre, et j’ai pris le Napoléon pour moi! A présent, je viens pour te rendre le Napoléon! »
En entendant cela, le père de l’enfant se rendit chez le commerçant soupçonné à tort, lui demanda pardon et lui rendit toute la somme du Napoléon qu’il avait préféré payer plutôt que de jurer.
L’un des Grands Guéonim de Jérusalem entendit cette histoire, et réagit:
« Réfléchissons! Lorsque cet acte sera jugé dans le ciel, qu’est-ce qu’on dira?
Qui va-t-on juger? Le père de l’enfant? Il n’est coupable de rien, il s’est fié à son enfant (qui ne lui a pas parlé de la substitution du Napoléon par la pièce en cuivre).
Le commerçant? Il s’est comporté avec une correction exceptionnelle, il n’a commis aucune faute. L’homme affamé qui a volé le Napoléon? Il était si affamé qu’il n’avait pas le moindre morceau de pain, et il est dit: « On ne méprise pas le voleur qui commet un larcin pour assouvir sa faim. » (Michlé 6-30).
Qui reste-t-il? Tous ces colporteurs qui se sont hâtés de juger négativement ce pauvre commerçant, qui ont dit de la médisance sur lui, au point de lui causer un énorme dégât, en le faisant souffrir physiquement et moralement en des temps difficiles. Ce sont eux qui subiront toute la rigueur du châtiment pour leurs actes! »
« Que le sage entende, et qu’il en augmente de morale »