Date de la Halacha: 6 Tevet 5784 18 décembre 2023
Question : La neige qui tombe pendant Chabbat a-t-elle le statut de « Mouktsé » (interdite au déplacement) pendant Chabbat ?
Réponse : MARAN écrit dans le Beit Yossef (fin du chap.310) au nom du Chibolé Ha-Lékett qui cite lui-même Rav Tséma’h GAON :
« Il est permis d’utiliser pendant Chabbat l’eau de pluie tombée pendant Chabbat pour se laver ou pour boire, même s’il n’y avait pas de nuages depuis la veille. »
Cela signifie qu’il n’y a pas d’interdit à titre de « Mouktsé » sur de la pluie tombée pendant Chabbat, et à fortiori lorsque la pluie est tombée avant l’entrée du Chabbat.
Cette règle apparait également dans les propos de MARAN dans le Choul’han ‘Arou’h (chap.338), où il est écrit explicitement qu’il est permis de placer un ustensile sous un endroit du toit où pénètre de l’eau de pluie, et il est également permis de déplacer cet ustensile avec l’eau qu’il contient.
Il semble donc qu’il n’y a pas le moindre interdit de Mouktsé sur l’eau de pluie qui tombe pendant Chabbat.
[Le fait que nous traitons la question de la pluie du point de vue de l’interdiction de « Mouktsé », est fondé sur un interdit de Chabbat que l’on appelle « Nolad » (chose nouvellement née pendant Chabbat), comme un œuf pondu pendant Chabbat qui est interdit à la consommation jusqu’à la sortie de Chabbat. Nous ne nous étendrons pas davantage sur les détails des règles relatives à ce sujet puisque la Halacha est tranchée dans la Guémara ‘Erouvinn (46a) qu’il n’y a pas de « Mouktsé à cause de Nolad » au sujet de la pluie.
Par contre, de l’eau qui fuit d’une climatisation pendant Chabbat, selon certains décisionnaires, cette eau prend le statut de « Mouktsé ». Voir les propos de notre maitre le Rav z.ts.l dans son livre ‘Hazon Ovadia-Chabbat vol.3 page 144.]
Le Gaon Rabbi Tsévi Péssa’h FRANCK z.ts.l – qui était Grand Rabbin de Jérusalem, et qui fut l’un des grands de la génération durant plus de 50 ans – écrit dans son livre Chou’t Har Tsévi (page 288) en ces termes :
« Un jour de Chabbat, Roch ‘Hodech Adar 5717 (1957), la neige tomba en très grosse quantité. Je fus consulté afin de savoir si la neige avait le statut de Mouktsé et s’il était donc interdit de la déplacer. Il semble évident et de façon certaine que la neige tombée avant Chabbat n’a pas le statut de Mouktsé de par elle-même, comme le prouve la Guémara Chabbat selon laquelle on écrase la neige dans l’eau pendant Chabbat. Or, puisque la neige de par elle-même n’a pas de statut de Mouktsé, il est évident que même lorsqu’elle tombe pendant Chabbat, son statut est totalement identique à celui de la pluie tombée pendant Chabbat, qui n’a pas le statut de Mouktsé. »
Concernant le fait de débarrasser la neige qui encombre la porte d’entrée d’une maison ou d’un immeuble, au moyen d’une bêche ou autre (lorsque l’endroit est entouré d’un « ‘Erouv » et qu’il est permis de porter à cet endroit pendant Chabbat), si le sol sous la neige est carrelé ou dallé, ou bien recouvert d’asphalte ou autre, même si certains décisionnaires sont rigoureux sur la question et tranchent qu’il est malgré tout interdit de débarrasser la neige vers les côtés en raison du grand effort que cela occasionne, et ces décisionnaires citent des preuves à leur décision, malgré tout, sur le plan pratique, notre maitre le Rav z.ts.l tranche (dans son livre ibid.) que l’on peut autoriser.
En particulier, s’il est à craindre que l’on puisse glisser ou tomber, dans ce cas on peut autoriser de façon encore plus évidente. De même, il sera aussi permis de jeter du sel sur la glace, afin de hâter sa fonte, pour ne pas provoquer d’accident.
En conclusion : La neige qui tombe pendant Chabbat n’a pas le statut de « Mouktsé » et il est permis de la déplacer et de la boire.
Selon le strict Din, il est permis de débarrasser la neige qui obstrue l’entrée d’une maison (à condition que l’endroit soit équipé d’un « ‘Erouv », ou bien qu’il soit permis de porter dans un tel endroit).
Et puisque nous avons cité le Gaon Rabbi Tsévi Péssa’h FRANCK z.ts.l, il semble approprié de relater un fait le concernant :
Le Gaon z.ts.l faisait partie des grands d’Israël de sa génération, qui ont éclairé les cieux du monde par leur Torah et leur droiture.
Dans sa jeunesse, notre maitre le Rav Ovadia YOSSEF z.ts.l faisait partie de son entourage proche. Notre maitre le Rav z.ts.l se rendait régulièrement chez le Gaon Rav FRANCK z.ts.l et participait aux cours donnés par le Rav FRANCK chaque Chabbat devant les meilleurs étudiants de Jérusalem. Un Chabbat, notre maitre le Rav z.ts.l arriva légèrement en retard, et le Rav FRANCK avait déjà entamé le cours. Notre maitre le Rav z.ts.l entra dans la pièce (cette histoire s’est passée vers l’année 5712-1952, lorsque notre maitre le Rav z.ts.l avait environ 30 ans). Dès que le Rav FRANCK aperçu notre maitre le Rav z.ts.l, il se leva en son honneur malgré le jeune âge de notre maitre le Rav z.ts.l. Tous les élèves du Rav FRANCK s’étonnèrent de l’attitude de leur maitre – le grand d’Israël de cette génération - envers un « simple » jeune étudiant. L’un d’entre eux osa poser la question à son maitre :
« Quelle est la raison pour laquelle notre maitre se lève en l’honneur de ce « simple Séfaradi » (il utilisa une expression de dédain à l’encontre de notre maitre le Rav z.ts.l) ? »
Le Rav FRANCK lui répondit :
« Ce « simple Séfaradi » sera l’autorité Halachique suprême de la prochaine génération ! »
Même par la suite, durant de nombreuses années, le Rav FRANCK resta toujours aux côtés de notre maitre le Rav z.ts.l, et l’encouragea toujours en l’éclairant de sa grande lumière, comme l’écrit le Gaon Rabbi Ya’akov SASSON Chlita dans le livre Avir Ha-Ro’im volume 1 et 2.
Tout ce dont nous avons traité concernant la neige ne concerne que son déplacement pendant Chabbat.
Mais concernant le fait de modeler des formes de boules ou de maison, ou bien le fait de former l’apparence d’un homme avec de la neige pendant Chabbat, ceci touche à l’interdiction de « Boné » (construire), et selon l’opinion de grands décisionnaires, la chose reste interdite. Ces décisionnaires citent des preuves à leur opinion à partir des célèbres propos du RAMBAM selon lesquels :
« Dès lors où l’on assemble une partie à une autre partie en les collant, de sorte qu’elles deviennent une seule entité, ce geste s’apparente à une construction. »
C’est pourquoi, on ne doit pas autoriser.