Halacha pour vendredi 12 Adar II 5784 22 mars 2024

La Halacha est dédiée :
Pour la guérison totale de Gabriel Ben Sultana (Teboul), Max Mordé'haï Ben Oraïda (Mimouni), Raoul Chaoul Ben Yéchou'a (Assouline), parmi tous les malades d'Israël

Chabbat Za’hor

Commentaires extraits de propos prononcés par notre grand maîtr
le Rav Ovadia YOSSEF z.ts.l lors d’un Chabbat Za’hor,
et mis en forme par son digne petit-fils
le Gaon Rabbi Ya’akov SASSON Chlita, directeur de notre site Halacha Yomit

Il est dit dans la Méguilat Esther (3-8) :
Puis Haman dit au roi A’hachvéroch : « Il est une nation répandue, disséminée parmi les autres nations dans toutes les provinces de ton royaume ; ces gens ont des lois qui diffèrent de celles de toute autre nation ; quant aux lois du roi, ils ne les observent point : il n'est donc pas de l'intérêt du roi de les conserver. »

Nos maîtres enseignent dans la Guémara Méguila (13b) :
Personne ne sait colporter de la médisance (Lachon Ha-Ra’) comme Haman.
Nos maîtres ajoutent que Haman l’impie a imité les actes de son aïeul ‘Amalek.
En effet, ‘Amalek a fait preuve de dérision et a humilié le signe de la sainte alliance de la Bérit Mila réalisée par Israël sur leurs garçons à l’âge de 8 jours.
Ainsi, Haman a promulgué un décret « humanitaire » selon lequel il est interdit de pratiquer la Bérit Mila, comme l’enseignent nos maîtres sur un verset de la Méguila (8-16) :
« Pour les juifs, ce fut la lumière, la joie, l’allégresse, et les marques d’honneur », et Rachi commente : « l’allégresse », vient désigner la Bérit Mila, car au départ, Haman avait décrété l’interdiction de la Bérit Mila, et lorsqu’il fut condamné à mort, son décret fut aboli.

Haman dit au roi A’hachvéroch : « Il est une nation répandue, disséminée parmi les autres nations » Allons et exterminons-les de la surface du monde !

Nous devons comprendre :
Quel est l’argument de Haman en disant « Il est une nation répandue et disséminée » ?
En réalité, le but de Haman était de monter une sorte de « conspiration » contre les juifs.
Haman dit au roi : « Regarde ! Ces juifs sont rusés ! Ils se répandent sur toute la terre afin d’inciter toutes les nations à adhérer à leur croyance ! Mais « ces gens ont des lois qui diffèrent de celles de toute autre nation », il nous est impossible d’accepter leur religion, car leurs commandements sont incompris par l’esprit ! « Quant aux lois du roi, ils ne les observent point », car Israël refusait de payer des impôts qui finançaient l’idolâtrie.

On peut aussi expliquer les propos de Haman lorsqu’il dit « Il est une nation répandue et disséminée » en s’interrogeant : quel est le lien entre « répandue » et « disséminée » ?
En général, lorsque deux personnes sont proches et sont toujours ensemble, elles sont susceptibles d’en arriver à un conflit et une haine mutuelle, car « Qui parle beaucoup ne saurait éviter la faute » (Michlé 10-19, et comme il est dit également : « Espace tes visites dans la maison de ton ami: il en aurait bientôt assez de toi et te prendrait en grippe. » (Ibid.25-17). Par contre, s’ils ne sont pas aussi proches l’un de l’autre, et qu’ils ne se rencontrent qu’à certaines occasions, leur affection réciproque peut perdurer.

C’est à cela que Haman fait allusion en disant qu’il s’agit « d’une nation répandue et disséminée », car ils sont « répandus » l’un à bonne distance de l’autre, et malgré tout, ils sont « disséminés » dans leurs cœurs, car la haine règne dans leurs cœurs !
Chacun hait son prochain !
Tel était l’argument pervers de Haman à l’encontre d’Israël !
Il dit au roi : « Regarde les juifs ! Celui qui habite la capitale Chouchan ; dit avec orgueil : « Je suis un perse de Chouchan ! » Celui qui habite en Babylonie (qui faisait aussi partie de l’empire perse en ces temps) dit : « Il n’y pas plus nobles que les babyloniens ! » (Kétoubot 111a). Celui-ci dit : « Je suis un pur Séfaradi ! » L’Achkénazi leur dit : « Vous êtes tous des primitifs ! » (…)
Et cette haine a été causée au sein du peuple d’Israël par l’exil, qui les a rendus tous différents les uns des autres.

C’est pourquoi, lorsque les versets viennent nous décrire Mordé’haï Ha-Yéhoudi, le texte fait justement mention de choses qui contredisent les arguments de Haman l’impie :
« Or, à Chouchan, la capitale, vivait un homme originaire de Judée, portant le nom de Mordé’haï, fils de Yair, fils de Chim’i, fils de Kich, de la tribu de Binyamin. » (Esther 2-5).
En effet, nos maîtres font remarquer une contradiction dans ce verset, puisqu’on nous dit dans un premier temps que Mordé’haï vient de Judée – donc de la tribu de Yéhouda – alors qu’on nous dit ensuite qu’il est un homme de la tribu de Binyamin !
Cela vient nous dire par allusion qu’aux yeux de Mordé’haï, ils étaient tous égaux dans l’amour qu’il leur portait, aussi bien l’homme qui vient de la tribu de Yéhouda, de la descendance royale d’Israël, aussi bien celui qui vient de la tribu de Binyamin, qui était le plus jeune des enfants de Ya’akov, et donc parmi les petites tribus d’Israël.
Mordé’haï ne faisait aucune différence entre les origines de chaque juif, et c’est grâce à cela qu’il eut le mérite d’être « Ben Yaïr » - comme l’expliquent nos maîtres : « Yaïr », car il éclaira les yeux d’Israël par sa Torah (« Yaïr », de la racine « Lé-Haïr » qui signifie éclairer) ; « Ben Chim’i », car Hachem écouta sa prière (« Chim’i », de la racine « Chéma’ » qui signifie écouter) ; « Ben Kich », car il frappa aux portes de la miséricorde et on les lui ouvrit (« Kich », de la racine « Lé-Hakich » qui signifie frapper à une porte).

Pourtant, nous pouvons encore nous interroger :
Nos maîtres déduisent exactement la même chose des termes « Ben Chim’i » et des termes « Ben Kich » : que la prière de Mordé’haï a été exaucée (« Chim’i » : Hachem a entendu sa prière ; « Kich » : Mordé’haï a frappé aux portes de la miséricorde et elles lui ont été ouvertes).
Pourquoi cette répétition ?

Dans son livre Mikraé Kodech, le Gaon Rabbi ‘Haïm ABOUL’AFIA explique en citant les propos de la Guémara Ta’anit (25b) :
Chémouel Ha-Katan décréta un jeûne (en raison d’une sécheresse), et la pluie tomba le jour même, avant le lever du soleil. Cela signifie qu’ils n’ont pas eu le temps d’entamer le jeûne que la pluie tomba. Le peuple pensa qu’il s’agissait d’un bon signe pour eux, puisqu’ils n’ont pas eu besoin de jeûner, et avant même d’implorer Hachem, ils furent exaucés.

Mais Chémouel Ha-Katan leur dit :
« A quoi la chose est-elle comparable ? A un serviteur qui réclame un cadeau à son maître. Le maître s’adresse à ses autres serviteurs et leur dit : « Donnez-lui ! Que je n’entende plus sa voix ! » Ce qui signifie que le maître ne veut absolument pas entendre le serviteur, et il préfère lui donner ce qu’il désire à la condition de ne surtout pas avoir à l’entendre. »

Le peuple comprit que ce n’est pas du fait de leur privilège qu’ils furent exaucés, mais au contraire, parce qu’Hachem ne veut absolument pas entendre leur voix.

L’année suivante, Chémouel Ha-Katan décréta de nouveau un jeûne pour la pluie.
Cette fois-ci, la pluie tomba en fin de journée, après le coucher du soleil, c’est-à-dire, à la fin du jeûne.
Chémouel Ha-Katan dit au peuple :
« Cette fois encore ce n’est pas un bon signe pour nous, car la chose est comparable à un serviteur qui vient réclamer un cadeau à son maître, et celui-ci dit à ses autres serviteurs : « Attendez jusqu’çà ce qu’il souffre, et ensuite donnez-lui ! »

Alors quelle est la situation où c’est par le mérite du peuple que sa prière est exaucée ?
Quand voyons-nous que le peuple est véritablement agréé devant Hachem ?
Lorsque l’officiant prononce les mots « Machiv Ha-Roua’h Ou-Morid Ha-Guéchem » (qui fait souffler le vent et qui fait descendre la pluie), et qu’à ce moment précis la pluie tombe !
Lorsque depuis le Ciel on entend la prière, et que peu de temps ne s’écoule avant la réalisation de la demande, c’est là le véritable signe que la prière est accepté par Hachem !

C’est pour cela que nos maîtres commentent :
« Ben Chim’i », car Hachem écouta sa prière, et n’a pas dit « Donnez-lui ! Que je n’entende plus sa voix ! »
« Ben Kich », car il frappa aux portes de la miséricorde et on les lui ouvrit, ce qui signifie qu’on les lui ouvrit immédiatement après avoir frappé, sans que Mordé’haï n’ait à souffrir, à l’instar de celui qui prononce à peine les mots « Machiv Ha-Roua’h » et que le vent se met à souffler immédiatement.

Que le mérite de Mordé’haï et d’Esther nous protège, que nous ayons le mérite même de notre temps, de voir la rédemption finale, une rédemption spirituelle autant que matérielle, Amen Ken Yéhi Ratson.

Chabbat Chalom !

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