Cette année (5782), le 1er soir de Péssa’h tombe un vendredi soir.
Chaque vendredi soir, après la ‘Amida de ‘Arvit à la synagogue, après avoir dit le passage de « Vay’houlou Ha-Chamaïm Véhaarets », l’officiant récite la bénédiction de « Mé’ein Chéva », qui est un condensé de la ‘Amida dite précédemment à voix basse par l’assemblée, et comme une sorte de répétition.
Il est expliqué dans la Guémara Chabbat (24a), ainsi que dans les propos de nos maitres les décisionnaires médiévaux, que nos maitres n’ont instauré de dire la bénédiction de « Mé’ein Chéva » chaque vendredi soir qu’en raison du danger, car il y a des gens qui viennent à la synagogue en retard, et il est à craindre qu’en rentrant chez eux, les « Mazzikim » (êtres malveillants) leur fassent du mal. C’est pour cette raison que nos maitres ont instauré la bénédiction de « Mé’ein Chéva », afin que toute l’assemblée reste un peu plus longtemps à la synagogue, et que tous puissent rentrer ensemble dans leurs foyers.
C’est pourquoi, il faut débattre si le soir de Péssa’h – qui est une nuit préservée des Mazzikim – nos maitres ont-ils oui ou non instauré la récitation de la bénédiction de « Mé’ein Chéva ».
Voici l’essentiel des propos du TOUR (chap.487):
« L’auteur du ‘Itour écrit au nom de Rabbénou Nissim z’’l que lorsque Péssah’ (le 1er soir) tombe un vendredi soir, on ne dit pas la bénédiction de « Mé’ein Chéva », car elle a été instaurée pour les retardataires à la synagogue afin que les Mazzikim ne leur fassent pas de mal, or le soir de Péssa’h il n’y a pas à craindre ce genre de chose, car la nuit de Péssa’h est une nuit préservée. » Fin de citation.
MARAN écrit dans le Beit Yossef que « maintenant l’usage répandu est de ne pas dire cette bénédiction le soir de Péssa’h. » C’est ainsi qu’il tranche dans le Choul’han ‘Arou’h en ces termes:
« On ne dit pas la bénédiction de « Mé’ein Chéva ».
C’est ainsi que tranchent la quasi-totalité des décisionnaires médiévaux, qu’il ne faut pas dire la bénédiction de « Mé’ein Chéva » lorsque le 1er soir de Péssa’h tombe un vendredi soir.
Par conséquent, tous nos maitres les grands décisionnaires ont tranché que l’on ne doit pas dire la bénédiction de « Mé’ein Chéva » le soir de Péssa’h qui tombe un vendredi soir.
Cependant, le Gaon et Kabbaliste notre maitre le Rachach (Rabbi Chalom Char’avi z.ts.l) nous apprend quelque chose de nouveau dans son livre Nahar Chalom (page 58b), en disant qu’étant donné que la bénédiction de « Mé’ein Chéva » est mentionnée dans le Talmud et que nos maitres du Talmud n’ont pas précisé que cette bénédiction ne devait pas être dite le soir de Péssa’h, par conséquent, il faut la dire le soir de Péssa’h qui tombe un vendredi soir. Et si les décisionnaires médiévaux ont écrit qu’il ne faut pas la dire dans ce cas, ce n’est que par simple raisonnement. »
Il ressort des propos du Rachach qu’il réfute tout simplement les propos des décisionnaires médiévaux sur la base de son simple raisonnement au niveau littéraire du sens, selon lequel, puisque le Talmud ne précise pas qu’il ne faut pas la dire le soir de Péssa’h, il faudra donc la dire.
Le Gaon Rabbi ‘Haïm PALLAG’I cite lui aussi les propos de notre maitre le Rachah dans son livre Chou’t ’Haïm Chaal (vol.2 chap.95), et s’étonne que tous nos maitres les décisionnaires médiévaux n’ont pas déduis des termes du Talmud qu’il faut dire cette bénédiction chaque vendredi soir, comme l’a fait le Rachach. Même s’il cite les propos de quelques décisionnaires des générations récentes qui ont réfuté les propos du Rachach sur ce point aussi bien selon l’interprétation littérale que selon l’interprétation Kabbalistique, malgré tout, Rabbi ‘Haïm PALLAG’I conclu que si le Rachach a tranché ainsi, il est certain que tel est le sens Kabbalistique, « car le Rachach était grand dans l’interprétation littérale, mais encore beaucoup plus grand dans l’interprétation Kabbalistique, puisqu’il était un grand et illustre Rav dans la Kabbala, au point où l’on a dit sur lui qu’il était l’accomplissement de la promesse de notre maitre le ARI zal, qui avait déclaré avant de quitter ce monde: si vous êtes méritants, je reviendrais de nouveau auprès de vous, cette promesse se serait réalisée en la personne du Rachach. Qui pourrait donc oser réfuter ses propos?! » Fin de citation.
Cependant, dans une responsa éditée dans son livre Chou’t Yabiya’ Omer (vol.2 chap.25), notre maitre le Rav Ovadia YOSSEF z.ts.l réfute les propos du Gaon Rabbi ‘Haïm PALLAG’I z.ts.l, et il écrit que même les grands Kabbalistes et pieux Rabbanim de la Yéchiva de Beit El à Jérusalem, avec à leur tête le Gaon Rabbi Ya’akov ELGAZI (le père du Gaon Rabbi Yom Tov ELGAZI) tranchent de façon évidente qu’il ne faut pas dire la bénédiction de « Mé’ein Chéva » le soir de Péssa’h qui tombe un vendredi soir, conformément à l’opinion de MARAN l’auteur du Choul’han ‘Arou’h.
De même, notre maitre le ‘HYDA – qui était intimement lié aux groupes de Kabbalistes de sa génération – écrit qu’il ne faut pas dire la bénédiction de « Mé’ein Chéva » le soir de Péssa’h qui tombe un vendredi soir. Et même si le Gaon Rachach était très grand, malgré tout, notre sainte Torah « ne se trouve pas dans le ciel », et nous ne devons absolument pas nous écarter de la décision Halachique de MARAN l’auteur du Choul’han Arou’h et des décisionnaires.
Lorsque le livre de notre maitre fut édité en l’année 5716 (1956), plusieurs Rabbanim de Jérusalem s’insurgèrent, ainsi que de nombreux simples gens, en disant que notre maitre le Rav z.ts.l ne pouvait pas se permettre de réfuter les propos du Rachach. Cette rude discorde à son encontre engendra à notre maitre le Rav z.ts.l une telle souffrance qu’il en tomba gravement malade et resta alité au point où il eut de grandes difficulté à rester assis à la table du Séder de Péssa’h.
Lorsque les grands Rabbanim de Jérusalem virent tout cela, ils prirent le parti de notre maitre le Rav z.ts.l, et au matin du 1er jour de Péssa’h, le Gaon et Roch Yéchiva Rabbi ‘Ezra ATTIE z.ts.l (le maitre de notre maitre le Rav z.ts.l) rendit visite à notre maitre le Rav z.ts.l, accompagné d’autres Rabbanim de la Yéchiva de Porat Yossef. Le Gaon Rabbi Tsévi Péssa’h FRANCK z.ts.l exprima lui aussi son opinion en disant que notre maitre le Rav z.ts.l avait le droit légitime de trancher à sa guise, car en réalité c’est lui qui avait raison, puisque l’usage de la quasi-totalité des communautés est de ne pas s’écarter de la décision Halachique de MARAN l’auteur du Choul’han ‘Arou’h, et par conséquent, notre maitre le Rav z.ts.l avait raison.
Malgré tout, d’autres étudiants des Yéchivot Kabbalistes s’exprimèrent très durement à l’encontre de notre maitre le Rav z.ts.l, en proférant des paroles insultantes contre lui.
Mais il y avait en ces temps là l’un des grands Kabbalistes de Jérusalem, le Gaon Rabbi Efraïm Ha-COHEN z.ts.l (le père de l’actuel Roch Yéchiva de Porat Yossef, le Gaon Rabbi Chalom Ha-COHEN Chlita) – qui était lui-même le plus grand Kabbaliste chez les Séfaradim et Roch Yéchiva de « Oz Vé-Hadar » et l’un des derniers disciples du Gaon Rabbi Yossef ‘Haïm z.ts.l auteur du « Ben Ich ‘Haï ». Il prit lui aussi parti pour notre maitre le Rav z.ts.l et justifia ses propos sur le plan Halachique, et ainsi, le pays retrouva son calme. (Tout ceci est longuement raconté dans le livre Avir Ha-Ro’im vol.2).
Par conséquent, du point de vue de la Halacha, cette année (5782), il ne faudra pas réciter la bénédiction de « Mé’ein Chéva » à la synagogue, on dira simplement « Vay’houlou » jusqu’à « Acher Bara Elo-him La’assott ».
Ensuite, on dira le Hallel avec les bénédictions.