Question : Nous avons appris dans le passé l’interdiction de consommer un aliment cuit par un non-juif. Selon cela, il semble qu’il soit interdit de consommer dans tous les restaurants Cachers où des non-juifs sont employés comme cuisiniers.
Dans ce cas, pourquoi ces restaurants bénéficient-ils d’un certificat de Cacherout ?
Réponse : Il est d’usage dans de nombreux restaurants « Cacher » que le juif allume le feu dès le matin, et durant toute la journée, les cuisiniers non-juifs y posent les plats.
La question est : Ce paramètre suffit-il à lever l’interdiction de consommer ces plats à titre de cuissons des non-juifs ou pas ?
Ce point fait l’objet d’une divergence d’opinion parmi nos maîtres les Richonim (décisionnaires médiévaux) :
Selon certains décisionnaires, si le juif allume le feu, même si c’est ensuite le non-juif qui pose le plat sur les brûleurs, il n’y a pas d’interdiction à titre de cuissons des non-juifs. (Ceci est l’opinion du RAAVAN, du MORDEH’I, de Rabbenou Pérets, du TEROUMAT HA-DECHEN, et d’autres). C’est ainsi que tranche le RAMA dans ses notes sur le Choul’han ‘Arou’h (Y.D chap.113-7).
Par contre, selon l’opinion du RAN, du RACHBA, du RIVACH, de Rabbenou Yona et de nombreux autres grands décisionnaires médiévaux, le fait que le juif allume le feu n’est d’aucune utilité vis-à-vis de l’interdiction des cuissons des non-juifs (par opposition au Din du « pain cuit par un non-juif », mais nous ne nous étendrons pas ici sur les détails de ce Din). Telle est la décision de MARAN l’auteur du Choul’han ‘Arou’h.
A partir de là, puisque selon le RAMA – sur lequel se basent les Achkénazim - il est suffisant que le juif allume le feu pour contourner l’interdiction de cuissons des non-juifs, il est donc permis aux Achkénazim de consommer dans ces conditions.
Alors que selon MARAN l’auteur du Choul’han ‘Arou’h – sur qui se basent les Séfaradim -, on ne peut autoriser que seulement lorsque le juif pose aussi le plat sur le feu, et selon cela, les Séfaradim ne sont pas autorisés à consommer si le juif a seulement allumé le feu.
C’est pour cette raison que les organismes de Cacherout du Grand Rabbinat d’Israël et de la « ‘Eda Ha-‘Harédit » n’exigent pas que le juif pose le plat sur le feu, car ils ne s’imposent pas l’opinion rigoureuse de MARAN l’auteur du Choul’han ‘Arou’h sur ce point. Ils se contentent donc que le juif allume le feu dès le matin.
Mais plus tard, les Séfaradim commencèrent à se pencher sur le problème, et demandèrent aux différents organismes de Cacherout de veiller à cela, que le juif pose aussi le plat sur le feu, conformément à l’opinion de MARAN l’auteur du Choul’han ‘Arou’h.
Malheureusement, de nombreux endroits ne veillent pas à cette exigence.
D’où la question : Les Séfaradim sont-ils autorisés à consommer dans des restaurants où le non-juif pose le plat sur le feu ?
Notre maître le Rav Ovadia YOSSEF z.ts.l a écrit sur ce sujet à de nombreuses occasions, et il tranche que du point de vue de la Halacha, si l’établissement est la propriété d’un juif, même si le juif se contente d’allumer le feu dès le matin, on peut malgré tout autoriser même selon l’opinion de MARAN l’auteur du Choul’han ‘Arou’h.
Ceci en raison du fait que selon plusieurs décisionnaires, si le non-juif cuisine dans la maison du juif, il n’y a pas de crainte de cuissons des non-juifs, car dans ce cas on ne peut craindre ni « que le non-juif fasse consommer un aliment interdit au juif », ni « que le juif en arrive à s’unir par des liens de mariage avec le non-juif », puisque le non-juif cuisine dans la maison du juif (en particulier si le non-juif est l’employé du juif.)
Il est vrai que cette opinion n’est pas retenue par la Halacha, malgré tout, lorsqu’on réuni les deux exigences ensemble, c'est-à-dire, que le feu soit allumé par un juif, et que le non-juif place le plat sur le feu dans un restaurant appartenant à un juif en étant son employé, on peut autoriser à consommer les cuissons du non-juif dans un tel cas. (Voir aussi le livre Halichot ‘Olam tome 7 page 120).
Mais il est interdit aux Séfaradim de consommer dans un restaurant (Cacher) appartenant à un non-juif, même si c’est un juif qui allume le feu, car selon l’opinion de MARAN l’auteur du Choul’han ‘Arou’h, cela constitue une transgression de l’interdit des cuissons des non-juif.
Ce n’est que dans le restaurant d’un juif qu’il y a matière à autoriser même selon l’opinion de MARAN l’auteur du Choul’han ‘Arou’h, comme nous l’avons expliqué.
En conclusion : Un restaurant Cacher appartenant à un juif, où un juif allume le feu dès le matin et ensuite un employé non-juif pose les plats sur le feu, on peut faire preuve de tolérance envers les personnes qui s’autorisent à y consommer, même s’il s’agit de Séfaradim.
Mais il faut à priori faire preuve de vigilance et s’imposer de consommer seulement lorsque le surveillant rabbinique pose lui-même les plats sur le feu.
Il est bon de rappeler les célèbres propos du Gaon ‘Ha’ham Tsévi (Allemagne, il y a plus de 300 ans) qui disait :
« Combien il serait souhaitable que nous (les Achkénazim) nous imposions ne serait-ce que quelques-unes des ‘Houmrot (rigueurs) dictées par le Beit Yossef, car elles sont plus précieuses que toutes celles adoptées par les Achkénazim. » Fin de citation.