Commentaires rédigés par le Gaon Rabbi Ya’akov SASSON Chlita,
directeur de notre site Halacha Yomit,
et digne petit-fils de notre maître le Rav Ovadia YOOSSEF z.ts.l
Notre Paracha nous relate après l’achèvement de l’édification du Michkan :
« Alors on apporta à Moché le Michkan » (Chémot 39-33).
Rachi commente : Ils ne pouvaient pas le lever eux-mêmes, du fait du poids important des poutres du Michkan. Or, puisque Moché n’avait réalisé lui-même aucune tâche dans l’édification du Michkan, Hachem lui laissa un mérite particulier, puisqu’il allait lui-même lever le Michkan. Hachem dit à Moché : « Moché ! Agis de tes propres mains, et il semblera que c’est toi qui lève le Michkan, alors que le Michkan se dressera et se lèvera de lui-même ! »
C’est pourquoi, le texte nous dit dans la suite de la Paracha :
Ce fut au premier mois de la deuxième année, au premier jour du mois, que fut élevé le Michkan. Moché leva le Michkan … (Ibid. 40-17, 18).
Le Gaon Rabbi Ya’akov GALINSKY z.ts.l émet une judicieuse remarque :
En effet, après de minutieux calculs, il en est arrivé à la conclusion que les poutres du Michkan – qui étaient des poutres de très grande tailles et enduites d’or – pesait chacune
1 600 kg !
Ce qui représente un poids énorme, et de ce fait, il ne fait aucun doute qu’il s’est produit un très grand miracle dans le fait que Moché réussit à lever le Michkan.
Mais s’il en est ainsi – demande Rabbi Ya’akov GALINSKY z.ts.l – comment le texte peut-il dire : « Moché leva le Michkan » ?? Car – malgré toute la force physique de Moché décrite entre autre dans la Guémara Nédarim (38a) où il est enseigné que Moché étendit lui-même la tente au-dessus du Michkan, ce qui nécessite une force physique inhabituelle – le Michkan lui-même – ses poutres en bois – Moché ne les a pas levées lui-même ! Il fit seulement « comme si » il les levait ! Alors pourquoi la Torah stipule que Moché leva véritablement le Michkan ??
Rabbi Ya’akov GALINSKY z.ts.l résout lui-même sa propre interrogation, ainsi :
En réalité, le véritable Michkan se trouve dans le cœur de l’homme ! Comme le texte le dit :
« Ils me feront un Temple, et je résiderais en eux » (Ibid. 25-8).
De même, il est dit dans les Téhilim (78-60) : « … il fit résider une tente au sein de l’homme. »
Comme l’écrit également le poète, le Gaon Rabbi El’azar Azikri (Tsfat 16ème siècle, auteur du Séfer Ha-‘Harédim, et du poème « Yédid Néfech ») :
« Dans mon cœur, je Lui construirai un sanctuaire pour Sa splendeur ».
Même un tel Michkan, il est très difficile de lever !
Mais lorsque « tu agis de tes propres mains, et qu’il semble que c’est toi qui lève le Michkan, alors le Michkan se dresse et se lève de lui-même ! »
Tu dois faire uniquement ce qui est dans ta capacité de faire, et depuis le Ciel on t’aidera à achever l’œuvre !
L’homme se doit toujours d’aspirer à fournir un peu plus que ses capacités réelles !
S’il aspire à cela, s’il en exprime véritablement l’envie, s’il demande l’aide d’Hachem, alors « celui qui vient pour se purifier, se verra aidé ».
Même lorsque la chose semble très difficile, lorsqu’on veut véritablement, si l’on prie sur la spiritualité et que l’on s’efforce selon ses possibilités, on obtient le mérite d’atteindre de très hauts niveaux !
Dans son livre Avir Ha-Ro’im (vol.2), le Gaon Rabbi Ya’akov SASSON Chlita – auteur de ces commentaires – raconte une anecdote à propos du Gaon et Tsaddik Rabbi Yossef ZAROUK z.ts.l, qui faisait partie des sages de la Yéchiva de PORAT YOSSEF à Jérusalem.
Ce Tsaddik était un véritable exemple et une preuve vivante de la capacité d’un homme à atteindre des niveaux extrêmement élevés, malgré ses conditions de vie très complexes, même lorsqu’il ne semble pas y avoir le moindre espoir.
En effet, lorsque Rabbi Yossef ZAROUK est né (en l’année 5669 – 1909) en Lybie, les sages-femmes le trouvèrent sans vie. Dans leur grande peine, elles informèrent la mère du bébé que son enfant était mort-né (qu’Hachem nous en préserve).
La mère de l’enfant éclata en sanglot et pris un engagement solennel :
« Hachem ! Si tu observes la souffrance de ta servante, si tu te souviens de moi et que tu ne n’oublies pas ta servante, fais revivre mon fils, et je le consacrerais à Hachem toute sa vie ! Je le préserverai et je l’implanterai dans les maisons d’Hachem, afin qu’il soit assidu dans l’étude de la Torah et dans le service divin durant toute sa vie ! »
Ses paroles sortaient à peine de sa bouche, et l’une des sages-femmes distingua de légers signes de vie chez l’enfant. Elle le leva immédiatement et le ranima.
Tous adressèrent une reconnaissance à Hachem qui fait revivre les morts, et qui exauça la demande qu’une pauvre femme lui avait adressée.
Mais avec les difficultés et les péripéties de la vie, le vœu formulé par la mère – selon lequel elle consacrerait son enfant uniquement à l’étude de la Torah - fut oublié par les membres de la famille.
Lorsque l’enfant Yossef commença à grandir, son père l’emmena avec lui à son magasin où l’enfant se divertissait un peu, et où son père lui apprenait les bases du commerce, et autre.
Lorsqu’il atteint l’âge de 5 ans environ, une épidémie de rubéole se propagea dans la ville, et l’enfant Yossef fut lui aussi contaminé par la maladie. Il perdit la vue à un œil, et son autre œil ne voyait que très peu.
Ses parents entendirent parler d’un médecin expert, qui se trouvait dans une autre ville, qui était capable de guérir l’enfant et sauver son autre œil qui n’était pas encore complètement condamné.
Mais pendant le voyage vers ce médecin, l’un des voyageurs gifla l’enfant au niveau de son œil, et ce coup lui provoqua la perte totale de la vue.
En effet, lorsque le médecin ausculta l’enfant, il informa l’enfant et ses parents qu’il était devenu complètement aveugle, et qu’il ne pourra plus jamais voir jusqu’à la fin de sa vie.
Ce jour-là, tout leur univers s’obscurcit !
Le cœur des parents et de l’enfant se brisa en entendant une telle nouvelle atroce !
L’enfant avait définitivement perdu la vue !
A l’instar des femmes Tsadkaniyot (justes), la mère se remit en question sur ses actes, et se demanda pourquoi un tel malheur s’abattait sur elle ?!
Tout en réfléchissant, elle se souvint subitement qu’elle avait pris l’engagement envers Hachem, de consacrer son fils exclusivement au service divin, et elle avait oublié la chose, car durant tout ce temps, l’enfant restait avec son père au magasin.
La mère éclata en sanglots et versa de chaudes larmes en se disant qu’à présent son fils était considéré comme mort, afin de rembourser sa dette.
A cet instant, les parents de l’enfant prirent la décision d’honorer leur engagement, et ils emmenèrent leur fils dans une école religieuse, dans l’espoir que l‘enfant puisse capter quelque chose de ce qu’il apprendrait.
Mais au bout de quelques jours, l’enseignant informa les parents que du fait de son état, l’enfant ne captait absolument rien de ce qu’il apprenait, même quelques paroles de Torah apprises très récemment étaient oubliées en raison de sa maladie.
Malgré tous les efforts fournis par l’enseignant, il n’obtenait aucun résultat.
Le père de l’enfant Yossef entendit et il éclata en pleurs. C’est en suppliant l’enseignant de tout son cœur qu’il lui demanda de continuer à enseigner la Torah à son fils.
Après une longue discussion, l’enseignant accepta de placer l’enfant au fond de la classe, mais il informa les parents qu’il ne consacrera pas de temps particulier pour lui.
Si l’enfant parvient à comprendre quelque chose, tant mieux, car il ne pouvait pas freiner tous les élèves pour un seul élève.
Depuis ce jour, les parents de l’enfant Yossef priaient Hachem avec des larmes, afin qu’il éclaire les yeux de leur fils dans la Torah. Le père loua également les services de deux enseignants supplémentaires afin qu’ils enseignent à l’enfant en privé matin et soir.
Mais l’enfant avait de grosses difficultés de compréhension, et ce n’est qu’avec de gros efforts qu’il comprenait des choses faciles, malgré l’amour qu’il avait pour l’étude de la Torah.
Lorsque le père constata la peine de l’enfant – qui fournissait beaucoup d’efforts dans son étude sans parvenir à comprendre – il fut saisi de peur au sujet de son fils :
La déprime pouvait s’emparer de l’enfant du fait de sa tristesse !
Le père eut une idée : Il proposa à son fils d’apprendre à jouer du violon, et ainsi la joie entrerait dans son cœur.
Mais l’enfant répondit que rien d’autre que l’étude de la Torah ne pourrait renforcer son esprit, car il désirait consacrer toute sa vie uniquement à l’étude de la Torah.
Et l’enfant priait ainsi devant Hachem en versant des larmes, afin qu’il éclaire ses yeux dans la Torah. « Il est une seule chose que je demande à Hachem, que je réclame instamment, c’est de séjourner dans la maison d’Hachem tous les jours de ma vie » (Téhilim 27-4).
Le père de l’enfant Yossef se mit en quête d’un traitement pour son fils. Il envoya des courriers vers des pays lointains dans l’espoir que la délivrance viendra.
Lorsque l’enfant atteint l’âge de 11 ans et demi, son père fut informé qu’un grand médecin d’Italie pouvait guérir les yeux de son fils.
Un rendez-vous fut obtenu et le père et le fils commencèrent à faire leurs valises en vue du long voyage.
En entendant cette bonne nouvelle, l’enfant Yossef se réjouit sans limite !
En se disant qu’il pourrait peut-être voir comme tout le monde, il réalisa qu’il pourrait s’adonner à l’étude de la Torah à sa guise, et il poursuivit ainsi son étude dans la joie et dans le grand espoir, jusqu’à la dernière nuit avant le départ pour l’Italie.
Durant cette nuit, l’enfant Yossef se rendit à la synagogue proche de leur maison.
Avec beaucoup d’émotion, il ouvrit les portes du Aron Ha-Kodech.
A cet instant, il ressentit que les portes du ciel s’ouvraient devant lui.
Il entama une prière en versant des larmes devant Hachem, en implorant et en suppliant du plus profond de son cœur, afin qu’Hachem - le Maître de l’univers, Celui qui rend la vue aux aveugles - entende sa prière, et qu’il voit sa grande peine, qu’il lui rende la lumière de ses yeux.
Des années plus tard, Rabbi Yossef raconta quels étaient les termes de cette prière :
« De grâce Hachem ! Prends en pitié ton humble serviteur Yossef ! Fais-moi recouvrer la vue, afin que je puisse voir les lettres de la Torah ! Afin que je puisse étudier sans le moindre empêchement ni la moindre limite ! »
L’enfant pleura jusqu’à sombrer dans le sommeil devant le Aron Ha-Kodech.
Dans son rêve, il vit Eliyahou Ha-Navi z’’l, et il avait un visage d’ange.
Il se tenait debout et était joyeux, accompagné d’autres gens importants.
Eliyahou Ha-Navi s’approcha de l’enfant et lui dit :
« Sache mon fils que depuis le Ciel on a constaté ta grande souffrance.
Cependant, deux choix s’offrent à toi :
Tu peux guérir, mais la providence particulière dont tu bénéficiais jusqu’à présent te sera retirée, et tu seras comme tout le monde.
Tu peux rester aveugle, mais tu bénéficieras d’une vision spirituelle, en devenant un maître dans tous les domaines de la Torah. »
L’enfant répondit avec joie qu’il acceptait la deuxième condition.
Il se réveilla et c’était un rêve.
Le lendemain, l’enfant Yossef se rendit à l’école.
L’enseignant posa une question, mais personne ne sut répondre.
L’enfant Yossef se leva et dit qu’il désirait répondre.
L’enseignant le repoussa, mais lorsqu’il vit l’entêtement de l’enfant, il l’autorisa à répondre.
L’enfant se leva et récita par cœur toute la partie du texte de la Guémara concernée.
Il expliqua les commentaires de l’enseignant sur les propos de la Guémara, et il répondit à la question posée par l’enseignant.
Alors que tous les médecins avaient désespéré de trouver un traitement à sa maladie …
Lorsque Rabbi Yossef raconta tout ceci dans sa vieillesse, il termina en disant :
« A partir de ce jour, tout ce que j’apprenais ou ce que j’entendais, ne quittait plus ma mémoire. »
Il était quelqu’un de très particulier parmi les sages de la Yéchiva.
Il avait une maîtrise exceptionnelle dans tous les domaines de la Torah.
Il faisait aussi partie des soutiens et des admirateurs de notre maître le Rav z.ts.l.
Notre maître le Rav z.ts.l s’investit lui-même à plusieurs occasions afin d’aider Rabbi Yossef dans sa subsistance matérielle, et Rabbi Yossef fut l’un des Rabbanim qui encouragèrent notre maître le Rav z.ts.l à être nommé Richon Lé-Tsion dès l’année 5720 (1950).
« Que son âme repose dans le bien, et que sa descendance hérite le Monde Futur ».
Que ces paroles soient aussi dédiées à la guérison totale de son arrière-petit-fils
Kéfir ‘Haïm Ben Myriam, blessé grièvement lors de la guerre à Gaza.
Qu’Hachem envoie Sa parole et le guérisse totalement, et lui accorde une longue vie.
Chabbat Chalom !