Commentaires rédigés par le Rav David PITOUN, pour Halacha Yomit
Notre Paracha revient sur les mesures exactes du Michkan (Temple mobile, dont la construction fut ordonnée par Hachem à Israël).
אֵלֶּה פְקוּדֵי הַמִּשְׁכָּן מִשְׁכַּן הָעֵדֻת ... (שמות לח-כא)
« Voici les mesures du Michkan, Michkan qui sera une résidence du témoignage (du pardon d’Hachem pour le veau d’or)… » (Chémot 38-21, 1er verset de notre Paracha)
Rachi : La répétition du mot: « Michkan » fait allusion à sa prise en gage (de la racine « Machkonn » qui signifie un gage), lors des deux destructions du Beit Ha-Mikdach, à cause des fautes d’Israël.
Dans son livre ‘Alénou Lé-Chabéa’h (Chémot page 550), le Gaon Rabbi Its’hak ZILBECHTEIN Chlita fait mention d’une explication très originale sur le commentaire de Rachi de notre verset :
Dans la Paracha de Michpatim que nous avons lu il y a quelques semaines, au sujet des lois sur le prêt d’argent, lorsqu’un prêteur a pris en gage le manteau d’un emprunteur, la Torah oblige ce prêteur à restituer ce gage à l’emprunteur, avant le coucher du soleil.
Si le Beit Ha-Mikdach a un statut de gage, pourquoi Hachem ne nous le restitue pas ?!
En réalité, la réponse se trouve dans la suite des versets de Michpatim au sujet du prêt d’argent :
En effet, la Torah précise la raison pour laquelle le prêteur se doit de restituer le gage à l’emprunteur avant le coucher du soleil, car s’il ne le fait pas, Hachem dit : « s'il m’implore, je l'écouterai, car je suis compatissant. ». Il n’est donc pas dans l’intérêt du prêteur de ne pas restituer le gage, puisqu’Hachem écoutera les implorations de l’emprunteur propriétaire du gage, et se vengera du prêteur.
Malheureusement, lorsque le gage confisqué n’est autre que le Beit Ha-Mikdach, personne n’implore ni ne se plaint !! Cela ne dérange personne !!!
Alors pourquoi Hachem devrait-il restituer le gage ???!!
Même si ne serait-ce qu’une seule personne prie et implore Hachem afin qu’il nous rende le Beit Ha-Mikdach, cette personne se verrait bénéficier de toute l’abondance et de la résidence de la Ché’hina (présence divine) dont elle aurait bénéficié dans le Beit Ha-Mikdach, s’il existait.
Terrible et troublant !!!
Grâce à ces explications terrifiantes, nous pouvons également résoudre une difficulté dans le Choul’han ‘Arou’h (O.H 124-7) dans les règles relatives au comportement de l’assemblée durant la répétition de la ‘Amida par l’officiant.
Voici les propos du Choul’han ‘Arou’h :
« On ne doit pas bavarder pendant que l’officiant répète la ‘Amida. La personne qui bavarde, commet une faute, sa faute sera trop lourde à porter, et on doit le réprimander. »
« Sa faute sera trop lourde à porter » A ce point ??!
Cette expression n’est employée qu’une seule et unique fois dans toute la Torah.
A quelle occasion ?
Lorsque Kaïn a assassiné son frère Hével, il s’exprima ainsi :
« Ma faute sera trop lourde à porter ! »
Quel lien peut-il y avoir entre le meurtre et le bavardage dans la synagogue ?!
Comment peut-on comparer ces deux fautes ?!
En fait, si l’on sait que la sainteté du Beit Ha-Mikdach se trouve aujourd’hui dans les synagogues et les maisons d’étude, nous sommes en mesure de comprendre la gravité du fait de bavarder en ces lieux saints !
La personne qui bavarde en de tels lieux, exprime de la façon la plus claire, qu’elle méprise le Beit Ha-Mikdach, qu’Hachem nous en préserve !!
Toute la bénédiction qui résidait jadis dans le Beit Ha-Mikdach est insignifiante aux yeux de cette personne !!
Un juif, pour qui le Beit Ha-Mikdach ne représente rien si ce n’est que mépris et indifférence, ne vaut-il pas moins qu’un meurtrier ?!
A présent, nous comprenons qu’une personne qui sait garder sa bouche et sa langue dans l’enceinte de la synagogue et de la maison d’étude, au moins pendant toute la durée de la prière, a dans les mains la possibilité d’acquérir l’abondance qui se trouvait dans le Beit Ha-Mikdach, car – comme nous l’avons expliqué plus haut – la raison pour laquelle Hachem ne nous a pas restitué le « gage », le Beit Ha-Mikdach, ne réside que dans le fait que nous ne l’implorons pas assez pour cela !
Si même quelques particuliers imploraient Hachem et prouvaient par leur attitude qu’ils désirent le retour de notre glorieux sanctuaire dans son prestige, leur serait déversée toute cette forte abondance qui régnait dans le Beit Ha-Mikdach, et qui épargnait au peuple d’Israël toute la ration de malheurs qui pèse sur nous de nos jours.
Comment pouvons-nous nous définir comme des gens qui « implorent » Hachem, et à qui l’absence du Beit Ha-Mikdach dérange réellement ?
Si nous savons garder nos bouches et nos langues en ne bavardant pas dans les synagogues, nous mériterons l’abondance de la Kétorètt (l’encense brûlée jadis dans le Beit Ha-Mikdach), qui était symbole de vie, et elle nous sauvera nous aussi de toutes les épreuves et maladies.
Au sujet du lien entre le bavardage et la destruction, il est intéressant de lire les propos du Rav Its’hak ZILBERCHTEIN Chlita lui-même, dans un autre de ses ouvrages, Touvé’ha Yabi’ou (tome 2 page 321).
Il cite les propos de l’ancien Admour de GOUR z.ts.l , auteur du Imré Emet, confiés à l’ancien Rav de la ville de Bné Brak, le Rav Ya’akov LANDAU z.ts.l :
« Si la Shoah a ravagé les juifs Ashkénazes et a épargné les juifs Séfarades, c’est parce que les juifs Séfarades avaient un profond respect de leurs synagogues, et ils étaient réputés pour ne jamais bavarder lorsqu’ils se trouvaient à la synagogue (même si cela a malheureusement quelque peu changé de nos jours !), alors que les juifs Ashkénazes dédaignaient (pour beaucoup) la sainteté de la synagogue et bavardaient durant l’office. » Fin de citation.
On remarquera que les sources de ces propos sont totalement Ashkénazes !!
Une légende célèbre affirme que la cathédrale notre dame de Paris abritait dans le passé une synagogue, et elle fut transformée en lieu d’idolâtrie seulement parce que les fidèles n’y respectaient pas la dignité des lieux, et bavardaient librement durant les offices !!
Chabbat Chalom !