Dvar Torah pour vendredi 1 Sivan 5784 7 juin 2024

Bamidbar

Commentaires rédigés par le Gaon Rabbi Ya’akov SASSON Chlita, directeur de notre site Halacha Yomit,
et digne petit-fils de notre maître le Rav Ovadia YOSSEF z.ts.l

Il est dit dans notre Paracha :
וְאֵלֶּה תּוֹלְדֹת אַהֲרֹן, וּמֹשֶׁה: בְּיוֹם, דִּבֶּר ה' אֶת-מֹשֶׁה--בְּהַר סִינָי. (במדבר ג-א)

Voici les engendrements d'Aharon et de Moché, à l'époque où Hachem parla à Moché sur le mont Sinaï. (Bamidbar 3-1)
Rachi commente : Mais seuls sont mentionnés ensuite les fils de Aharon, appelés « engendrements de Mochè ». C’est parce qu’il leur a enseigné la Tora, ce qui nous apprend que quiconque enseigne la Tora au fils de quelqu’un, la Torah le considère comme s’il l’avait engendré (Sanhèdrin 19b).

Mais nous pouvons ajouter une autre raison, à partir du commentaire de Rachi dans le livre de Dévarim :
En effet, Moché a prié afin que les enfants d’Aharon ne meurent pas, comme il est dit après l’événement du Veau d’Or :
וּבְאַהֲרֹן, הִתְאַנַּף ה' מְאֹד לְהַשְׁמִידוֹ; וָאֶתְפַּלֵּל גַּם-בְּעַד אַהֲרֹן, בָּעֵת הַהִוא. (דברים ט-כ).

Au sujet d’Aharon, Hachem était très en colère, et il voulait l'anéantir : j'intercédai pour Aharon aussi dans ce temps-là. (Dévarim 9-20).
Or, Rachi fait remarquer que le terme « l'anéantir », signifie qu’Hachem voulait que les enfants d’Aharon ne vivent pas, et qu’Aharon quitte ce monde sans descendance (‘Hass Véchalom). Or, par le mérite de la prière de Moché, deux des enfants d’Aharon restèrent en vie. La prière de Moché fut bénéfique afin qu’El’azar et Itamar ne meurent pas.

C’est pourquoi, il est juste que le texte qualifie les enfants d’Aharon comme étant les enfants de Moché.

En constatant le désarroi d’Aharon après la faute du Veau d’Or, puisque les Béné Israël avaient commis une très grave faute par son biais, Moché réuni toutes ses forces et se sacrifia pour le sauvetage d’Aharon et de ses enfants afin qu’ils ne meurent pas.
Il mobilisa littéralement tous ses sentiments afin de s’unir à la détresse de son frère, au point de passer d’un « frère de détresse » à un « père de détresse », cela devenait à présent sa propre détresse.
Ainsi, il se présenta en prière devant Hachem, en déversant sa souffrance.
Il eut le mérite qu’Hachem entende sa prière, et Aharon et ses enfants furent sauvés de la mort.

C’est également ainsi que nos maîtres expliquent (Béra’hot 32a) le sens du verset qui relate la prière de Moché lorsqu’il intercède auprès d’Hachem pour obtenir Son pardon envers les Béné Israël pour la faute du Veau d’Or :
וַיְחַל מֹשֶׁה, אֶת-פְּנֵי ה' אֱלֹקיו (שמות לב-יא).

Mais Moché implora Hachem son D.ieu (Chémot 32-11).
Or, la notion d’imploration est exprimée ici par le terme « וַיְחַל » (« Vay’hal », qui vient de la racine étymologique « חולה » (« ‘Holé », qui signifie « malade »), car Moché s’est rendu véritablement « malade » en raison de cette faute commise par les Béné Israël, il se considérait comme étant lui-même la victime de cette détresse.

Lorsque l’on observe l’attitude de Moché, nous pouvons nous interroger :
En effet, Moché était un roi sur le peuple d’Israël, et il était intégralement attaché à Hachem notre D.ieu. Pourtant, lorsqu’il a constaté qu’Israël a fauté, il aurait dû se mettre en colère envers eux et leur dire : « Vous êtes fous ! Pour un retard d’un seul jour selon votre calcul, vous vous précipitez à commettre l’idolâtrie ?! Il est certain que vous méritez le châtiment ! » Hachem aurait laissé en vie uniquement Moché, et les Béné Israël descendants de lui auraient été de bons enfants pour Hachem.
Au lieu de cela, Moché Rabbénou reste perspicace ! « Si Israël souffre, je souffre moi aussi ! Tous les arguments pour justifier leur souffrance ne sont que purs bavardages futiles, auxquels il ne faut attacher la moindre importance ! Il m’incombe de trouver les moyens de sortir mon peuple de cette détresse dans laquelle il se trouve ! »

De nombreux prophètes d’Israël ont appris du comportement de Moché le maître de tous les prophètes.
Le Midrach sur E’ha raconte que le roi Névou’hadnétsar de Babylonie ordonna 3 choses à Névouzaradan son général d’armée, au sujet du prophète Yérmiyahou : 1 Le mettre à l’abri et veiller sur lui ; 2 Veiller sur lui mais pas sur son peuple (Israël) ; 3 Ne lui faire aucun mal.
Tout ceci, parce qu’il désirait protéger Yérmiyahou de tout mal.
Mais concernant Israël, il ordonna de les persécuter, de les exterminer jusqu’à la racine.
Il est raconté que lorsque Yérmiyahou vit un groupe de jeunes hommes juifs enchaînés, il plaça sa tête au milieu d’eux. Névouzaradan arriva et le sépara d’eux.
Lorsque Yérmiyahou vit un groupe de vieillards enchaînés, il plaça sa tête au milieu d’eux.
Névouzaradan arriva et le sépara d’eux. Tout ceci, car Névouzaradan craignait le roi Névou’hadnétsar qui lui avait ordonné de veiller à ce qu’aucun mal n’arrive à Yérmiyahou.

Névouzaradan dit à Yérmiyahou :
« Que fais-tu ?? Soit tu es un faux prophète ; soit tu te moques des souffrances ; soit tu es un assassin, car cela fait de nombreuses années que tu prophétises la destruction de cette ville (Jérusalem), et à présent tu constates la réalisation de tes paroles, pourquoi t’affliges-tu ?? Je ne désire pas te faire de mal, mais tu te provoques le mal à toi même! Les souffrances ne représentent-elles rien à tes yeux ?! Ou bien désires-tu porter atteinte à ta propre personne ?? S’il t’arrive quelque chose, le roi me tuera ! C’est pourquoi, va-t’en d’ici ! »
Et Névouzaradan renvoya Yérmiyahou avec colère.

Névouzaradan n’était qu’un non-juif impie, cruel et ignoble, incapable de comprendre les actes de Yérmiyahou, qui compatissait avec son prochain. Et même si Israël avait fauté et que le châtiment était justifié, il faut malgré tout se joindre à leur souffrance.
Lorsqu’Israël souffre, Yérmiyahou ne reste pas les bras croisés en ne se souciant que de sa propre personne. Il reste auprès de son peuple pour les réconforter au maximum dans leur situation, et pour apporter de l’aide à Israël.
Tout ceci, Yérmiyahou l’a appris de Moché Rabbénou.

Aharon – le frère de Moché – a lui aussi appris de Moché ce juste comportement.
En effet, lorsque Miryam fut frappée de la lèpre (pour avoir dit du Lachon Ha-Ra’ sur Moché), Aharon vint trouver Moché et lui dit :
... אַל-נָא תָשֵׁת עָלֵינוּ חַטָּאת, אֲשֶׁר נוֹאַלְנוּ וַאֲשֶׁר חָטָאנוּ. אַל-נָא תְהִי, כַּמֵּת ... (במדבר יב-יא).

… De grâce, ne considères pas comme une faute notre démence par laquelle nous avons fauté ! Qu'elle (Miryam) ne ressemble pas à un mort-né … (Bamidbar 12-11).
Aharon ne se contente pas de demander à Moché de prier pour la guérison de leur sœur Miryam, il s’inclue lui-même dans la faute de Miryam, en disant « וַאֲשֶׁר חָטָאנוּ » (« Nous avons fauté ») ! Il est disposé à se sacrifier pour sa sœur Miryam, afin qu’elle ne meurt pas de sa lèpre. Pour son sens du sacrifice, Aharon eut le mérite que la Torah rattache sa sœur Myriam à son nom « Aharon », comme il est dit (après le partage de la Mer Rouge) :
וַתִּקַּח מִרְיָם הַנְּבִיאָה אֲחוֹת אַהֲרֹן, אֶת-הַתֹּף בְּיָדָהּ (שמות טו-כ).

Miryam, la prophétesse, sœur d'Aaron, prit en main un tambourin … (Chémot 15-20).
Rachi commente : Elle est appelée : « sœur d’Aharon », parce qu’il s’est dévoué pour elle lorsqu’elle a été frappée par la lèpre, d’où ce titre (Me’hilta).

Nous devons apprendre de tout ceci, à quel point nous devons garder les yeux ouverts envers nos enfants, nos voisins, ainsi qu’envers toutes les personnes avec lesquelles nous sommes en contact, afin de vérifier s’il ne leur manque rien que l’on ne puisse leur apporter. Au mieux, si l’on peut leur apporter de l’aide, sinon rien n’empêche de prier Hachem pour eux, dans l’espoir qu’Hachem accepte et entende notre prière, pour eux comme nous-mêmes.

Chabbat Chalom !