Commentaires rédigés pour le site Halacha Yomit,
par le Gaon Rabbi Zévadia COHEN Chlita,
Chef des tribunaux rabbiniques de Tel Aviv
Nous lirons ce Chabbat l’édification du Michkan, comme la Torah le dit à travers un verset de notre Paracha :
Puis vinrent tous les hommes au cœur élevé, aux sentiments généreux, apportant le tribut d’Hachem pour l'œuvre de la Tente d'assignation et pour tout son appareil, ainsi que pour les vêtements sacrés. (Chémot 35-21).
Le RAMBAN écrit à propos de ce verset :
Ces termes s’adressent aux véritables artisans du Michkan, car nous ne trouvons pas la notion « d’élévation du cœur » à propos des généreux donateurs du Michkan, mais uniquement la notion de « générosité du cœur ». La notion d’élévation du cœur signifie qu’aucun d’entre eux n’avait appris le travail par un enseignant, et aucun d’entre eux n’avait d’expérience manuel dans ces domaines. Mais chacun se trouva naturellement disposé à accomplir les différentes tâches artisanales, en élevant son cœur dans les voies d’Hachem, en disant : « J’accomplirai tout ce que mon Maître demande. »
En réalité, notre maître le RAMBAN fut confronté à une difficulté de compréhension.
En effet, le texte semble nous dire que tout homme stimulé par la seule « élévation de son cœur », et désireux de participer à l’entreprise de l’édification du Michkan, a réalisé ce travail ?!
Il est pourtant question d’un travail délicat, du travail de l’or, de l’argent et du cuivre, de la confection des pierres précieuses du ‘Hochen (pectoral du Cohen Gadol), pierres qui étaient constituées de grenat, de saphir et de diamant, toutes sortes de travaux qui – même pour des artisans professionnels - nécessitent une expérience particulière lorsqu’il s’agit de l’édification du Michkan, car il est question de travaux de gravure et de broderie.
Comment des gens qui ne se sont occupés durant toute leur vie que de travaux grossiers de construction, avec du mortier et des briques en Egypte, se transforment en un instant en véritables professionnels experts d’un travail délicat comme la joaillerie de l’or, de l’argent et des diamants, sans la moindre expérience, sans la moindre étude d’un métier aussi délicat, au point où la Torah déclare que celui qui se sentait élevé par son cœur pour réaliser ce travail, recevait la tâche à accomplir pour la Sainte entreprise ??
Le RAMBAN répond à son propre questionnement :
Dans le domaine spirituel, la réussite ne dépend pas de l’expérience ou de la formation, mais de l’initiative et de l’ambition. Ces mêmes personnes qui – jusqu’à récemment – étaient occupés à des durs et grossiers travaux manuels de construction avec du mortier et des briques, ont su à présent saisir l’initiative, et se sont spontanément présentés devant Moché en lui disant : « Nous désirons participer aussi à la Sainte entreprise, et nous accomplirons tout ce que demande notre maître. »
C’est donc de cette « élévation du cœur » que nous parle texte par les termes « les hommes au cœur élevé ».
Cela désigne des hommes d’initiative et d’ambition à s’adonner à la Sainte entreprise.
Ils ont immédiatement mérité l’assistance divine, en réussissant avec succès le travail délicat de la joaillerie de l’or, de l’argent et du cuivre, et des différentes pierres précieuses, comme la Torah en atteste à travers un autre verset de notre Paracha :
II les a doués du talent d'exécuter toute œuvre d'artisan, d'artiste, de brodeur sur azur, pourpre, écarlate et fin lin, de tisserand … (Ibid.35), ainsi qu’à travers le verset :
Donc Bétsal’el et Aholiav et tous les hommes de talent à qui Hachem a dispensé sagesse et intelligence pour concevoir et pour exécuter, exécuteront tout le travail de la sainte entreprise, conformément à ce qu'a ordonné Hachem. (Ibid.36-1).
Il nous arrive très souvent de nous dire : « Qui suis-je ? Quelle est ma force ? Pourrais-je un jour m’élever et atteindre de très hauts niveaux spirituels ? Atteindre des sommets dans le service divin ? Je ne possède pas assez de connaissances ! Je n’ai pas assez d’expérience ! »
Cette Paracha vient nous apprendre que si seulement nous désirons être des gens d’initiative et d’ambition, et que nous disons à Hachem : « Nous ferons tout ce que demande notre maître ! », nous recevrons alors de grandes forces spirituelles depuis le Ciel, une assistance et une aide, de la sagesse, de l’intelligence et du savoir, une assistance divine qui nous permettrait de grimper littéralement très haut, du niveau de « construction avec mortier et briques » vers le niveau de ceux qui s’adonnent à la Sainte entreprise !
C’est à partir de cela que le Gaon Rabbi Yéro’ham de MIR z.ts.l apprend dans son livre Da’at Torah, la force de l’initiative et de l’ambition dans le service divin.
En réalité, c’est un fait avéré ! Un homme sans initiative ne réussit généralement dans rien !
Par contre, un homme qui a de l’initiative, peut faire partie de la catégorie des gens qui possèdent en eux la grandeur !
Cette force de l’initiative et de l’ambition, nous pouvons la constater également dans le livre de Michlé où le roi Salomon nous dit :
Va trouver la fourmi, paresseux, observe ses façons d'agir et deviens sage. (Michlé 6-6).
Le Midrach Rabba (Dévarim 5-2) enseigne à propos de ce verset :
Qu’a vu le roi Salomon de si particulier à apprendre de la fourmi ?
Cette fourmi possède un nid de trois étages. Elle n’entrepose pas sa nourriture à l’étage supérieur par crainte d’inondation. Elle ne l’entrepose pas non plus à l’étage inférieur par crainte d’humidité. Elle l’entrepose à l’étage intermédiaire. Cette fourmi ne vit que 6 mois, et toute sa nourriture d’une vie ne représente que l’équivalent d’un grain de blé et demi, mais elle passe tout l’été à amasser des grains de blé, d’orge, des lentilles, et tout ce qu’elle peut trouver. Pourquoi agit-elle ainsi alors qu’un seul grain et demi de blé lui suffit pour toute une vie ?! Car la fourmi se dit : « Peut-être qu’Hachem va m’ajouter de la vie, et j’aurai alors de la nourriture prête pour me nourrir ! »
La fourmi ne vit que 6 mois ! Elle consomme en toute une vie un grain et demi de blé, et malgré cela, elle prend l’initiative d’une activité qui dépasse de dix fois ce dont elle a réellement besoin ! Et tout ceci, par ambition qu’Hachem lui rallonge la vie !
Une ambition qui lui inspire une initiative d’agilité et une riche activité d’amassement colossal de nourriture, bien plus que ses réels besoins.
Ainsi, la fourmi représente un exemple vivant pour le paresseux !
Efforçons-nous d’être des gens au cœur élevé, pleins d’initiative et d’ambition, et soyons ainsi les associés de la Sainte entreprise !
Chabbat Chalom !