Entre Moché et Bétsla’el
Commentaires rédigés par le Gaon Rabbi Zévadia COHEN Chlita,
Chef des tribunaux rabbiniques de Tel Aviv,
pour Halacha Yomit
Cette semaine, nous lirons dans notre Paracha la contribution matérielle des Béné Israël à l’édification du Michkan (Temple mobile des Béné Israël dans le désert).
Cette contribution incluait de l’or, de l’argent, du cuivre, des étoffes d'azur, de pourpre, d'écarlate, de lin fin et de poil de chèvre, des peaux de bélier teintes en rouge, des peaux de Ta’hach (espèce animale à couleurs multiples, qui n’a existé que pour la circonstance. Rachi au nom de la Guémara Chabath 28b) et des bois de Chittim (cèdres plantés par Ya’akov Avinou en Egypte, et qu’Israël emporta avec lui lors de la sortie d’Egypte. Rachi), de l’huile pour le luminaire, des aromates pour l'huile d'onction, des pierres de Choham et des pierres à enchâsser, pour le Ephod et pour le pectoral.
Parmi les saints objets du Michkan, figurait la Ménora entièrement faite d’or.
Il est dit ainsi dans la Paracha :
« Tu feras aussi une Ménora d'or pur. Cette Ménora, c'est-à-dire son pied et sa tige, sera faite toute d'une pièce ; ses coupelles, ses boutons et ses fleurs feront corps avec elle. » (Chémot 25-31).
Il est rapporté dans le Midrach Rabba (Bamidbar 15-9) :
Hachem dit à Moché : « Tu feras aussi une Ménora d'or pur. »
Moché dit à Hachem : « Comment dois-je la faire ? »
Hachem lui dit : « La Ménora sera faite d'une seule pièce ! »
Moché avait du mal à la réaliser. Hachem pris une Ménora de feu et la montra à Moché. Mais malgré tout, Moché avait du mal à la réaliser.
Hachem lui dit : « Va chez Bétsal’lel et il la réalisera ! »
Moché alla trouver Bétsal’el et celui-ci la réalisa immédiatement.
La question s’impose d’elle-même !
Comment est-ce possible ?! Moché Rabbénou, le père de tous les prophètes, reçoit l’ordre d’Hachem de réaliser la Ménora. Hachem lui montre même un modèle de Ménora de feu, mais Moché ne parvient pas à la réaliser. Alors que Bétsal’el se voit solliciter une seule fois et il la réalise immédiatement avec réussite ?! Qu’est-il arrivé à Moché Rabbénou ?!
Pour comprendre, il faut relater un fait :
Le gendre du Admour de Gour z.ts.l tomba gravement malade et il devait subir une délicate intervention chirurgicale. Il fut hospitalisé à Varsovie. C’est pourquoi, le Admour de Gour loua les services d’un très grand professeur de médecine réputé à Varsovie, afin qu’il opère son gendre.
Pendant l’intervention, le professeur envoya dire au Admour de Gour qu’il y avait une complication, et que l’intervention allait être plus longue que prévu.
En apprenant cela, le Admour de Gour se déplaça immédiatement à l’hôpital pour prendre des nouvelles de son gendre, et également afin de vérifier la raison de la complication durant l’intervention.
Le Admour de Gour rencontra le professeur et lui demanda :
« Vous êtes un très grand chirurgien et vous avez une très grande expérience. Pourquoi, l’intervention s’est-elle compliqué ?
Le médecin lui répondit :
« La chose est comparable à un grand roi qui possédait une pierre précieuse, grande et d’une rare beauté. La valeur de cette pierre était très élevée.
Un jour, on constata une petite tache sur la pierre, et cette tache obscurcissait la beauté de la pierre et diminuait considérablement sa valeur. Tous les experts sollicités par le roi pour traiter la pierre et faire disparaitre la tache savaient que cette pierre était très précieuse pour le roi. De ce fait, ils évitèrent de s’en occuper, par crainte que l’émotion causée par le fait de traiter la pierre précieuse du roi, les empêche de faire correctement leur travail, ou de risquer de détériorer la pierre, et par voie de conséquence, leur châtiment.
Que firent ces experts ? Ils confièrent la pierre à un simple artisan qui ignorait l’identité du propriétaire de la pierre. L’artisan accomplit son travail sans la moindre réticence ni la moindre crainte, et il réussit à retirer la tache de la pierre précieuse, pour l’entière satisfaction du roi ».
Le médecin poursuivit :
« C’est un phénomène bien connu. L’épouse de Napoléon l’empereur des français avait des difficultés à accoucher. Toutes les sages-femmes sollicitées pour l’assister s’en sont abstenues, par crainte que leur grande émotion du fait de s’occuper de l’impératrice les empêche d’accomplir leur travail correctement, et qu’elles en soient châtiées.
Que firent-elles ? Elles appelèrent une sage-femme d’un village, qui ignorait l’identité de la femme à accoucher, et en effet, cette simple sage-femme villageoise accoucha l’impératrice dans la facilité.
Il en est de même dans notre cas – poursuivit le médecin –, en général, cette intervention est simple et je la pratique au quotidien avec grande réussite. Mais cette fois-ci, sachant qu’il s’agissait du gendre du grand Admour, j’ai été envahi d’une grande émotion, et cela m’a empêché de réaliser l’intervention correctement. C’est ainsi que la complication s’est produite, mais finalement, tout est rentré dans l’ordre – Barou’h Hachem – et l’intervention a réussi ! »
Ainsi pour la Ménora en or !
Moché Rabbénou entend l’ordre d’Hachem lui-même de réaliser la Ménora en une seule pièce, mais Moché connait les profonds secrets ainsi que la grande sainteté de la Ménora, son pied, sa tige, ses coupelles, ses boutons et ses fleurs.
C’est pour cela et exclusivement pour cela qu’une grande émotion s’empara de lui de manière inhabituelle, et l’empêcha de réaliser la Ménora dans tous ses détails.
Ce qui n’est pas le cas de Bétslal’el, qui n’avait pas atteint le niveau de Moché Rabbénou.
Lui, et exclusivement lui, ne rencontra aucune difficulté, et il réussit à réaliser la Ménora comme exigé.
Chabbat Chalom !