Commentaires rédigés par le Gaon Rabbi Ya’akov SASSON Chlita, directeur de notre site Halacha Yomit,
et digne petit-fils de notre maître le Rav Ovadia YOSSEF z.ts.l
Notre Paracha nous rapporte les propos de Moché Rabbénou lorsqu’il se présenta pour la dernière fois devant Pharaon roi d’Egypte, avant la 10ème et dernière plaie - la mort des premiers nés - qui marquera la sortie des Béné Israël d’Egypte :
Moché ajouta : « Ainsi a parlé Hachem : Au milieu de la nuit, je m'avancerai à travers l'Égypte. Et alors périra tout premier-né dans le pays d'Égypte, depuis le premier né de Pharaon qui devait occuper son trône, jusqu'au premier-né de l'esclave qui fait tourner la meule ; de même tous les premiers-nés des animaux. Et ce sera une clameur immense dans tout le pays d'Égypte, telle qu'il n'y en a pas eu, qu'il n'y en aura plus de pareille. Quant aux enfants d'Israël, pas un chien n'aboiera contre eux ni contre leur bétail afin que vous reconnaissiez combien Hachem distingue entre l’Egypte et Israël. » (Chémot 11-4, 5, 6, 7)
Puis, il est dit :
Or, au milieu de la nuit, Hachem fit périr tout premier-né dans le pays d'Égypte, depuis le premier-né de Pharaon, héritier de son trône, jusqu'au premier-né du captif au fond de la geôle et tous les premiers nés des animaux. Pharaon se leva de nuit, ainsi que tous ses serviteurs et tous les Égyptiens et ce fut une clameur immense dans l'Égypte : car il n'y avait point de maison qui ne renfermât un mort. Il manda Moché et Aharon, la nuit même et dit : « Allez ! Partez du milieu de mon peuple et vous et les enfants d'Israël ! Allez adorer Hachem comme vous avez dit ! Prenez votre menu et votre gros bétail comme vous avez dit
et partez ! Mais, en retour, bénissez-moi. » Les Égyptiens firent violence au peuple, en se hâtant de le repousser du pays ; car ils disaient : « Nous périssons tous. »
(Ibid.12-29, 30, 31, 32, 33).
Cela signifie que Moché dit d’abord à Pharaon que s’il ne libère pas les Béné Israël, l’Egypte sera frappée par la mort des premiers nés. Ensuite, Hachem réalise Sa parole, et il fait mourir les aînés d’Egypte. Puis, les égyptiens pressent les Béné Israël pour qu’ils sortent rapidement d’Egypte, car ils redoutaient tous de mourir.
Mais nous devons nous interroger :
Lorsque Moché Rabbénou prévient Pharaon que les aînés d’Egypte vont être frappés de mort, pourquoi les égyptiens entrent-ils dans une grande panique en voyant leurs aînés mourir ? Pourquoi pressent-ils à présent les Béné Israël pour qu’ils sortent d’Egypte ? Tout le monde avait compris que les aînés d’Egypte étaient morts au milieu de la nuit !
Aucune menace ne planait maintenant au-dessus de la tête des égyptiens (qui n’étaient pas aînés) !
Afin d’expliquer les choses, nous devons faire mention d’une question et de sa réponse dites par le Gaon Rabbi Chélomo Zalman OYERBACH z.ts.l :
Dans l’office du matin, juste avant la ‘Amida, nous disons :
« De l’Egypte, tu nous as délivrés, Hachem notre D.ieu ; d’une maison d’esclaves tu nous as rachetés ; tous leurs aînés tu les as fait mourir ; et ton aîné Israël tu as libéré. »
En parallèle, lors de l’office du soir nous disons :
« Il frappe dans Sa colère tous les aînés d’Egypte ; il a fait sortir Son peuple Israël de parmi eux de l’esclavage vers la liberté éternelle. »
Ces deux textes peuvent éveiller une difficulté apparente :
En effet, dans l’office du soir, nous citons les événements selon leur ordre chronologique : « Il frappe dans Sa colère tous les aînés d’Egypte », ce qui désigne d’abord la plaie de la mort des premiers nés, et ensuite « il a fait sortir Son peuple Israël de parmi eux ».
Mais dans l’office du matin, nous citons les événements dans un ordre totalement inverse ! Nous disons en premier : « d’une maison d’esclaves tu nous as rachetés », ensuite « tous leurs aînés tu les as fait mourir » et nous disons de nouveau « ton aîné Israël tu as libéré » ! Pourquoi lors de l’office du matin nous plaçons la libération avant la mort de premiers nés ?!
Le Gaon Rabbi Chélomo Zalman OYERBACH z.ts.l répondit lui-même à sa propre question (ses propos sont rapportés dans le livre Torat ‘Héssed) :
« Tout le monde pense que les aînés égyptiens sont morts au milieu de la nuit, mais c’est une erreur ! Les aînés égyptiens sont morts en plein jour ! Comment est-ce possible ??
Dans l’introduction au traité Séma’hot, nos maîtres font une remarque : Il est dit : « au milieu de la nuit, Hachem fit périr tout premier-né dans le pays d'Égypte », ce qui indique que la plaie de la mort des premiers nés a eu lieu pendant la nuit.
Mais en parallèle, il est dit : « Le jour où j’ai frappé tout aîné dans le pays d’Egypte » (Bamidbar 3-13), ce qui indique que les aînés d’Egypte sont morts durant la journée !
Rabbi Yo’hanan dit : Hachem frappa les aînés au milieu de la nuit, mais ils ne moururent pas à ce moment-là, ils tombèrent gravement malades, ils agonisèrent et leur état s’empira jusqu’au matin où ils moururent. Hachem tua tous les aînés d’Egypte pour Son fils aîné Israël. Mais comment Israël pouvait-il être informé de la mort des premiers nés ?? Tout s’est passé en pleine nuit, en pleine obscurité ! C’est pourquoi, Hachem frappa les aînés de cette manière, en les laissant agoniser durant des heures, jusqu’au matin, jusqu’à la sortie des Béné Israël, et c’est là qu’Israël constata de ses propres yeux le châtiment infligé à l’Egypte. C’est également pour cette raison que les égyptiens prirent peur et dirent : « Nous périssons tous ! », car ils virent leurs aînés agoniser sans mourir immédiatement, et eurent peur que la plaie s’étende à toute l’Egypte !
Ainsi – expliqua Rabbi Chélomo Zalman – la question que nous avons posée au sujet de la différence entre le texte de l’office du matin et celui de l’office du soir, est résolue :
Lors de l’office du matin, nous adressons notre reconnaissance à Hachem pour ce qui s’est produit en journée – car nous sommes à l’office du matin -, c’est pourquoi nous mentionnons d’abord le fait que nous sommes sortis d’Egypte au lever du soleil, et seulement ensuite nous mentionnons le miracle de la mort des premiers nés, puisqu’ils sont morts après le lever du soleil.
Mais lors de l’office du soir, nous adressons notre reconnaissance à Hachem pour les miracles qui se sont produits en pleine nuit, et par conséquent nous mentionnons d’abord la plaie des premiers nés qui a effectivement débuté au milieu de la nuit, et ensuite nous mentionnons la délivrance, la véritable sortie d’Egypte. »
Fin de citation des propos du Gaon Rabbi Chélomo Zalman OYERBACH z.ts.l.
Une très grande morale !
Cette remarque faite par Rabbi Chélomo Zalman sur les textes de la prière, est des plus simples ! Et malgré cela, nous prononçons ces mots au quotidien sans prêter attention à l’ordre des choses !
Le Gaon Rabbi Chélomo Zalman OYERBACH z.ts.l était réputé pour se concentrer très minutieusement dans sa prière. Un jour, ses élèves le virent avec un visage particulièrement joyeux après l’office du matin. L’un d’entre eux osa demander à son maître la raison à cette joie particulière. Peut-être y avait-il une joie dans la famille ? Rabbi Chélomo Zalman répondit :
« Je suis heureux car aujourd’hui j’ai eu le mérite de prier l’intégralité de la prière du matin avec concentration, je n’ai perdu aucun mot de la prière sans concentration ! »
Lorsque quelqu’un prie de cette manière, il obtient le mérite que sa prière soit entendue, mais il obtient aussi le mérite de comprendre et de trouver des sens supplémentaires dans sa prière !
Chabbat Chalom !