Commentaires rédigés par le Gaon Rabbi Zévadya COHEN Chlita,
chef de tous les tribunaux rabbiniques de Tel Aviv, pour Halacha Yomit
Notre Paracha nous relate les rêves de Pharaon ainsi que leurs interprétations données par Yossef Ha-Tsaddik, qui eut le mérite de sortir de prison spécialement dans ce but.
Selon les propos de Yossef, 7 années d’une grande abondance vont venir, et elles seront immédiatement suivies de 7 années de famine d’une telle ampleur qu’elles feront oublier la grande abondance vécue en Egypte précédemment.
Yossef propose à Pharaon une solution pour cette prochaine situation :
Désigner un homme intelligent et sage, afin qu’il amasse de la nourriture et qu’il prépare le peuple à affronter les 7 années de famine.
Il est dit dans la Torah : « Donc, que Pharaon choisisse un homme intelligent (Navon) et sage (‘Ha’ham) et qu'il le prépose au pays d'Égypte. »
L’ordre des termes employés dans ce verset « un homme intelligent et sage » éveille de l’étonnement.
En effet, la « sagesse » (‘Ho’hma) se définie par la collecte des connaissances contenues et conservées dans l’esprit humain.
Mais « l’intelligence » (Bina) est la capacité à « comprendre une donnée nouvelle de sagesse à partir d’une autre donnée déjà connue », ce qui est désigné par tous comme étant la capacité à « comprendre une chose à travers une autre ».
Selon ces définitions, il est évident pour tous que la « sagesse » est l’étape qui précède « l’intelligence » car sans connaître au préalable l’élément premier, il n’est pas possible de « comprendre une chose à partir d’une autre ».
C’est d’ailleurs ce que nous disons dans la prière quotidienne : « Gratifie-nous de la sagesse, de l’intelligence et du discernement (Da’at) »
Selon cela, pourquoi Yossef fait devancer l’intelligence à la sagesse en disant à Pharaon :
« Que Pharaon choisisse un homme intelligent (Navon) et sage (‘Ha’ham) ?
Le livre Tsiyouné Dére’h explique que même si – dans l’ordre logique – la sagesse précède l’intelligence, ceci est valable uniquement pour une sagesse existante et connue, basée sur l’expérience de la vie et qui se transmet de génération en génération.
Sur un tel potentiel s’ajoute à l’homme intelligent une sagesse à celle connue.
Mais pour un élément qui n’existait pas dans le monde et qui est complètement nouveau, sur lequel nous n’avons pas la moindre connaissance ni la moindre expérience, toute la sagesse d’un homme ne sera d’aucune utilité.
Pour une telle situation, il faut trouver avant tout un homme essentiellement « intelligent », qui possède la faculté de l’analyse, afin de trouver et d’innover. Ce n’est que dans un second temps qu’il doit être aussi sage et posséder la maîtrise des choses de ce monde afin d’utiliser correctement la force innovatrice contenue en lui.
C’est ce que nous découvrons chez Yossef.
Il dévoile – par son interprétation du rêve – qu’une situation nouvelle va se produire dans le monde, 7 années consécutives de famine, situation qui ne s’était encore jamais produite depuis la création du monde.
Dans une telle situation, aucune sagesse au monde ne peut être utile si elle n’est pas précédée de la faculté de « l’homme intelligent », qui sait créer une solution à une telle situation d’urgence, qui n’a encore jamais existé dans le monde.
Ce n’est qu’ensuite qu’il doit faire preuve de « sagesse », afin de concrétiser la solution créée à partir de sa grande intelligence.
C’est pourquoi, Yossef conseille à Pharaon de trouver un homme « Intelligent et sage ».
Voici un exemple d’homme intelligent et sage.
A l’époque de Rabbi Avraham Ibn ‘EZRA (Espagne 12ème siècle), deux hommes voyageaient. L’un avait 2 pains, et l’autre en avait 3.
Au milieu de leur voyage, ils s’arrêtèrent pour manger, lorsque soudain apparut un troisième homme qui leur demanda s’il pouvait se joindre à leur repas.
Les trois hommes consommèrent donc les 3 pains.
A la fin du repas, l’invité sorti de sa poche 5 pièces d’or et paya pour le repas qu’il avait consommé.
Une dispute éclata entre les deux propriétaires des pains.
Celui qui possédait 3 pains réclama 3 pièces d’or sur les 5 payées par l’invité, puisqu’il avait fourni 3 pains. Et il dit à son ami que seules 2 pièces d’or lui revenaient puisque lui n’avait fourni que 2 pains.
Mais l’autre réclama que l’on divise les pièces d’or en parts égales, puisque l’invité consomma les pains qui étaient devant lui de manière indifférente, sans porter attention de quels pains il consommait.
Chacun maintenant ses réclamations, ils décidèrent d’aller porter leur litige devant Rabbi Avraham Ibn ‘EZRA.
Rabbi Avraham écouta attentivement leurs réclamations, et trancha :
« Celui qui a fourni 3 pains doit recevoir au total 4 pièces d’or. Celui qui a fourni 2 pains, doit recevoir 1 pièce d’or. »
Les deux parties entendirent la décision de Rabbi Avraham et s’exclamèrent avec étonnement : « Est-ce possible ?? Le Rav tranche pour l’une des deux parties du litige plus que ce qu’elle ne pensait réclamer ! »
Rabbi Avraham constata leur étonnement et expliqua :
« Il ne fait aucun doute pour personne que 3 hommes ont consommé 5 pains. Si l’on divise chaque pain en 3 parties, nous obtenons au total 15 parts de pains. Si l’on divise ensuite ces 15 parts de pains en 3 hommes qui ont mangé, nous obtenons au total 5 parts. Chacun d’entre vous a donc consommé au total 5 parts de pains.
Selon cela, celui qui a fourni 2 pains, possédait 6 parts de pains. Il en a consommé 5 parts, et en a donné une part à l’invité. Il doit donc recevoir une pièce d’or.
Celui qui a fourni 3 pains, possédait 9 parts de pains. Il en a consommé 5 parts et en a donné 4 part à l’invité. Il doit donc recevoir 4 pièces d’or. »
Chabbat Chalom!