Dvar Torah pour vendredi 11 Kislev 5784 24 novembre 2023

Vayétsé

Commentaires rédigés par le Gaon Rabbi Ya’akov SASSON Chlita, directeur de notre site Halacha Yomit,
et digne petit-fils de notre maître le Rav Ovadia YOSSEF z.ts.l

Notre Paracha nous relate qu’après le dévoilement d’Hachem à Ya’akov dans le rêve - dans lequel Hachem lui promet les bénédictions « … tu déborderas au couchant et au levant, au nord et au midi ; et toutes les familles de la terre seront bénies à travers toi … » - Ya’akov était terrifié par ce rêve, et il est dit ainsi dans la suite des versets :
« Ya’akov prononça un vœu en ces termes : " Si Hachem est avec moi, s'il me protège dans la voie où je marche, s'il me donne du pain à manger et des vêtements pour me couvrir. Si je retourne en paix à la maison paternelle, alors Hachem sera un D.ieu pour moi. »

Rabbénou Ovadia SFORNO commente : Ya’akov fit un vœu selon lequel s’il obtient le minimum du minimum nécessaire pour sa survie, il est disposé à s’engager dans une perfection absolue dans le service divin, en honorant toutes les exigences, même selon la rigueur divine !

Il y a là un grand fondement !

Il est enseigné dans les Pirké Avot : « S’il n’y a pas de farine, il n’y a pas de Torah. »
En effet, celui qui n’a pas de quoi manger, comment peut-il s’adonner à l’étude de la Torah ??
Rabbénou Ovadia SFORNO écrit que c’est justement pour cette raison que Ya’akov Avinou bénira plus tard son fils Zévoulon par la prospérité commerciale, avant de bénir son autre fils Issa’har par l’étude de la Torah, car il est impossible de se consacrer à l’étude de la Torah sans une source pour combler ses besoins matériels.
C’est également pour cette raison que le texte de la Birkat Cohanim dit en premier : « Qu’Hachem te bénisse » (financièrement). Ensuite, « Qu’Il te protège » (des pertes). Puis, « Qu’Hachem éclaire Sa face vers toi » (par la lumière de Sa torah).
Et cet ordre de priorité s’explique par l’enseignement « S’il n’y a pas de farine, il n’y a pas de Torah. »

Mais réfléchissons :
Ya’akov Avinou ne réclame pas d’Hachem la richesse, les honneurs, des biens, ou toute chose matérielle supplémentaire. Il ne réclame que le minimum du minimum, car Ya’akov Avinou a parfaitement conscience que toutes les choses matérielles de ce monde n’ont de seule valeur véritable que de donner la possibilité à l’homme d’accomplir la Torah et les Mitsvot. C’est pourquoi, Ya’akov Avinou dit qu’il se suffit « du pain à manger et des vêtements pour se couvrir », les besoins les plus élémentaires pour sa survie.

J’ai entendu de la bouche de mon grand-père, notre maître le Rav Ovadia YOSSEF z.ts.l, que lorsqu’il était jeune, il se rendait chaque vendredi en journée à la synagogue « TSOFIOF » qui se trouve à Jérusalem. Cette synagogue possédait une importante bibliothèque appartenant au Gaon Rabbi Yossef YEDID Ha-Lévy z.ts.l, et c’est pourquoi notre maître appréciait particulièrement l’étude dans cette synagogue.
Notre maître le Rav z.ts.l raconta :
« J’y allais chaque vendredi, depuis la prière du matin jusqu’à l’entrée de Chabbat ! Je prenais une quelconque banane avec moi afin de pouvoir étudier, et ainsi j’étudiais jusqu’à l’entrée de Chabbat ! »  

Le Gaon Rabbi Ben Tsion ABBA CHAOUL z.ts.l (qui avait été depuis leur jeunesse et même plus tard, la ‘Havrouta -  le compagnon d’étude - de notre maître le Rav z.ts.l) raconta que très souvent notre maître le Rav z.ts.l se « réveillait » de son étude alors que l’assemblée arrivait pour l’office de Min’ha du vendredi et pour Kabbalat Chabbat, et il se dépêchait de retourner chez lui pour se laver très rapidement et revenir à la synagogue pour prier.

Tel était l’aspect de la vie des Grands d’Israël, pour qui toutes les choses de ce monde matériel ne représentaient strictement rien.
Mais nous aussi – même si nous ne sommes que des gens ordinaires – nous devons nous rappeler ces notions selon lesquelles ce monde ne ressemble qu’à un corridor qui aboutit sur un grand palais, et nous devons donc nous préparer au monde véritable, celui de la récompense éternelle !

Tout ceci est vrai lorsqu’on observe à l’intérieur de nous-même, lorsqu’on porte un regard sur notre propre vie.
Mais lorsqu’il s’agit des autres, l’image doit se transformer radicalement !
S’il y a autour de nous quelqu’un en difficulté, qui n’a pas « de quoi combler ses besoins », qui n’a pas ce à quoi il est habitué, il faut s’investir en efforts, être attentif et l’aider dans tout le nécessaire, même dans des choses qui ne sont pas primordiales.

Le Gaon et Tsaddik Rabbi Ya’akov GALINSKY z.ts.l raconta (rapporté dans le livre « Véhigadta » sur notre Paracha) qu’au début de la deuxième guerre mondiale, lorsque les allemands et les russes envahirent la Pologne, il ne restait qu’un seul lieu de refuge (momentané) : la Lituanie qui se situait au centre.
De très nombreux étudiants des Yéchivot qui étaient en Pologne trouvèrent refuge dans la ville de Vilna (Vilnus), qui était la ville où vivait le grand Gaon Rabbi ‘Haïm ‘Ozer GRODZINSKY z.ts.l.
Rabbi Ya’akov était lui aussi l’un de ces jeunes étudiants réfugiés, et lorsqu’il arriva à Vilna, il désirait fortement rencontrer le Gaon Rabbi ‘Haïm ‘Ozer, afin de débattre de Torah avec le Grand de la génération.

Il réussit à obtenir un rendez-vous avec le Rav.
La nuit précédant le rendez-vous, Rabbi Ya’akov trouva difficilement le sommeil, en raison de la grande émotion qu’il éprouvait avant la rencontre tant espérée.
Il se repassa en mémoire avec de grands efforts tous les sujets principaux de la Guémara Yébamot qu’il étudiait cette année-là, afin de pouvoir s’exprimer correctement lorsque le Gaon s’entretiendra avec lui.

Le lendemain, Rabbi Ya’akov arriva au domicile du Gaon.
Il y avait une trentaine de personnes qui attendaient leur tour, lorsqu’une porte s’ouvrit et que l’assistant de Rabbi ‘Haïm ‘Ozer l’appela par son nom Rabbi Ya’akov.

Rabbi Ya’akov se tenait ému, et était persuadé que la première question que le Rav lui poserait serait : « Qu’est-ce que tu étudies en ce moment ? »

A sa grande surprise, le Gaon Rabbi ‘Haïm ‘Ozer lui posa une toute autre question :
« A quand remonte la dernière fois où tu as reçu une lettre de tes parents ? »

Rabbi Ya’akov répondit : « Cela fait maintenant 6 mois que le contact est rompu car ils sont restés du côté russe. »

Rabbi ‘Haïm ‘Ozer demanda encore : « As-tu une couverture ? » (Il ne lui demanda pas s’il avait un endroit où dormir, car aucun n’avait où dormir. Ils dormaient tous sur les bancs de la Yéchiva. Mais celui qui n’avait pas au moins une couverture, était susceptible de mourir de froid).
Rabbi Ya’akov répondit : « J’ai une couverture. »

Rabbi ‘Haïm ‘Ozer demanda encore : « Peut-on voir tes chaussures ? »
Rabbi Ya’akov montra ses chaussures au Gaon, elles étaient complètement déchirées.
Le Rav donna immédiatement une somme d’argent à Rabbi Ya’akov afin d’acheter des chaussures neuves.
Puis, il ajouta : « Ta maison est ici. Elle t’est ouverte 24 heures par jour ! »

Le Gaon ne vérifia pas l’étude du jeune homme, il ne chercha pas à savoir quel « ‘Hidouch » (commentaire original) avait-il innové.
Son seul intérêt se limitait uniquement aux malheurs et aux soucis de ce juif qui se tenait devant lui ! Voilà comment étaient les Grands d’Israël !!

Chabbat Chalom