Dvar Torah pour vendredi 5 Cheshvan 5784 20 octobre 2023

Noa’h – La Torah, le temps et l’espace

Par le Gaon Rabbi Zévadia COHEN Chlita, Chef de tous les Tribunaux Rabbiniques de Tel Aviv, pour Halacha Yomit

Ce Chabbat, nous lirons dans notre Paracha :
« Voici la descendance de Noa’h. Noa’h était un homme juste, intègre dans ses générations. Noa’h marchait avec D.ieu. »

Le saint Rachi cite les propos de la Guémara traité Sanhédrin (108a) :
Certains commentent le verset dans le sens de l’éloge (de Noa’h), et certains le commentent dans le sens de la critique.
Rabbi Yo’hanan le commente dans le sens de la critique, car le verset dit : « … juste, intègre dans ses générations … », il était un homme juste exclusivement dans ses générations, mais pas dans d’autres générations, car s’il avait vécu dans d’autres générations d’homme justes, il aurait été insignifiant.
Rech Lakich le commente dans le sens de l’éloge, car si dans une telle génération d’impies il était tout de même un homme juste, à fortiori dans des générations d’hommes justes.

La chose peut sembler apparemment étonnante :
En effet, puisque dans sa génération Noa’h était un homme juste selon tous les avis, pourquoi commenter négativement l’hypothèse où il aurait vécu dans d’autres générations ? Le Dayan (juge rabbinique) ne doit-il pas se fier uniquement à ce que ses yeux lui montrent ? Or, puisque nous voyons que dans cette génération Noa’h était un homme juste, nous n’avions qu’à commenter positivement ! Pourquoi chercher ce qui serait arrivé s’il avait vécu dans d’autres générations ?

En réalité, nos maîtres nous apprennent ici un grand fondement :
La mesure d’un homme Tsaddik (juste) ou Racha’ (impie) n’est pas relative à l’espace ou au temps dans lequel il se trouve, mais uniquement aux exigences de la Torah, de la Halacha et de la morale – qui eux ne connaissent ni espace, ni temps - telles qu’elles ont été données au Sinaï, sans tenir compte de l’environnement et de l’entourage de cette époque ou d’une autre.

Parfois, un homme sait qu’il accomplit les Mitsvot mais de manière partielle, soit parce qu’il accomplit uniquement les Mitsvot qui lui « plaisent », soit parce qu’il décide de n’accomplir que les Mitsvot qui lui sont confortables, ou bien il n’accomplit les Mitsvot que par sa vision personnelle, ou par son raisonnement personnel, mais dans tous les cas, il sait qu’il n’est pas parfait dans ce domaine.
Malgré tout, il se console lui-même en se disant qu’en comparaison à l’entourage dans lequel il vit dans son foyer, dans la famille ou à son travail, il reste malgré tout un « grand Tsaddik » vis-à-vis des autres qui n’accomplissent strictement rien, et il se suffit de ce qu’il est.

Il n’est pas rare de voir des gens qui craignent D.ieu, qui – lorsqu’ils se trouvent dans leur foyer et dans leur environnement naturel – font preuve de crainte du Ciel, se comportent de manière parfaite et se montrent méticuleux sur la plus simple des Mitsvot comme sur la plus sévère.
Mais lorsque ces mêmes personnes se trouvent dans un autre environnement, moins fort d’un point de vue spirituel, - comme en sortie de loisir ou au travail ou en mission quelconque – ces mêmes gens s’autorisent momentanément une descente spirituelle, puisqu’en comparaison à l’entourage dans lequel ils se trouvent présentement, ils sont encore de « parfaits Tsaddikim ».

C’est justement ce que nos maîtres sont venus occulter en commentant négativement Noa’h, par rapport à sa génération, par rapport au temps, au moment et à l’entourage dans lequel il se trouvait, et non par rapport à la vérité exigée.

La véritable obligation imposée à l’homme est l’accomplissement des 613 Mitsvot de la Torah, selon le Choul’han ‘Arou’h, en permanence, aussi bien les Mitsvot simples que les plus sévères, en tout lieu, et non selon une mesure relative aux gens qui nous entourent sur l’instant.
Ainsi, nous mériterons nous aussi que nos maîtres nous commentent dans le sens de l’éloge.

Chabbat Chalom