Dvar Torah pour vendredi 17 Adar 5783 10 mars 2023

KI TISSA - Chabbat Para

(Par Rav David A. PITOUN pour Halacha Yomit)

Le Veau d’Or, jusqu'à quand?!
Notre Parasha a pour sujet central, l’épisode peu glorieux de la faute du Veau d’Or.

Cette faute représente pour le peuple d’Israël, la raison première pour laquelle il traverse toutes sortes de malheurs au fil des siècles.

En effet, lorsqu’ Hashem finit par accorder Son pardon à Israël, grâce à toutes les prières de Moshé Rabbenou, Il précise qu’à chaque fois qu’Il aura à infliger un châtiment à Israël pour ses fautes, il y aura dans ce châtiment, une part supplémentaire pour la faute du Veau d’Or.

Selon un principe, les enfants ne subissent de châtiment à cause de la faute des parents, que lorsqu’ils récidivent les fautes des parents.

Or, si nous subissons encore le châtiment pour la faute du Veau d’Or que nos ancêtres ont commis, c’est certainement que nous imitons leur comportement.

Pourtant, il s’agit ici de la faute de l’idolâtrie ! En quoi sommes-nous restés idolâtres?

Il est écrit dans notre Parasha :
« Ils s’empressèrent de se lever au lendemain, ils offrirent des holocaustes (‘Olot), ainsi que des sacrifices rémunératoires (Shelamim) ; le peuple se mit à manger et à boire, puis se livra à la légèreté. »

Le Gaon Rabbi Ya’akov GALINSKY shalita rapporta à ce sujet :
La faute du Veau d’Or représente la 1ère occasion où le peuple d’Israël dévia du chemin de la Torah.
Mais en réalité, ils ont également innové une démarche de la faute, de façon générale.

Jusqu’à nos jours, cette même attitude est encore très fréquente parmi nous.

Prenons chaque étape du verset cité :

« Ils s’empressèrent de se lever au lendemain… »
Cela nous rappelle que très souvent, on est poussé par un enthousiasme et une certaine hâte d’agir pour Hashem.

« … ils offrirent des holocaustes… » (‘Olot)
La particularité du sacrifice ‘Ola réside dans le fait qu’il est entièrement consumé sur le Mizbea’h (l’autel), sans qu’aucune des parties de la bête ne soit consommée ni par le Cohen, ni par l’auteur du sacrifice.
L’empressement et l’enthousiasme dont on fait preuve au début de notre Téshouva, va souvent jusqu’à nous inspirer une volonté de tout « sacrifier » pour Hashem et sa Torah, sans garder le moindre profit pour soi-même.

« …ainsi que des sacrifices rémunératoires… (Shélamim)… »
Par opposition au sacrifice ‘Ola, le sacrifice Shélamim n’était consumé que partiellement sur le Mizbea’h, le reste était consommé par l’auteur du sacrifice.
Il en est de même dans une Téshouva mal dirigée.
Avec le temps, cette exclusivité que l’on a consacrée à Hashem, va en se diminuant, jusqu’au moment où l’on commence à se démotiver, et que l’on revendique pour soi même une part de tout ce temps et cette énergie.

« …le peuple se mit à manger et à boire… »
Cette évolution régressive amène l’individu à un stade où finalement, il ne consacrera son temps qu’à de banales activités profanes, comme manger et boire.
Il n’y a tout à coup plus de place pour la moindre occupation spirituelle, à laquelle il consacrait toute sa vie au début de son parcours.

« …puis se livra à la légèreté. »
L’aboutissement dramatique de cette Téshouva mal dirigée, est malheureusement inévitable, et on en arrive à la pire des choses à laquelle un juif peut se livrer :
Les mœurs de légèreté et la débauche.
Cet individu – en ayant mal géré sa Teshouva – est redescendu peut-être encore plus bas que le niveau duquel il est parti !!! 

La variante de la faute du Veau d’Or, qui nous est encore reprochée de nos jours, réside dans le fait que nous ne dirigeons pas correctement notre repentir envers Hashem.
Revenir sincèrement vers Hashem et sa Torah, ne veut pas forcément dire se précipité sur les choses, sans aucune direction de la part d’un Rav (Certains « Rabbanim » eux même conseilleraient-ils la précipitation ?! Sans doute parce qu’ils ne possèdent pas la compétence nécessaire pour conseiller d’autres procédés !!!) 

Nous payons encore la faute du Veau d’Or parce qu’on ne sait pas diriger notre repentir !

Shabbat « Para »

Un point d’Halacha
Généralement (selon les années) le Shabbat qui suit Pourim s’appelle « Shabbat Para ».
Nous sortons un 2ème Sefer Torah dans lequel nous lisons le passage relatif à la loi de la Vache Rousse (Para Adouma), qui était offerte en sacrifice et entièrement consument sur l’autel, et dont on utilisait les cendres en les mélangeant à l’eau du Temple, et en aspergeant de ce mélange les personnes ou les objets qui avaient contracté l’impureté mortuaire.
Rashi explique dans la Guémara Méguila (29a) que pour être autorisé à réaliser le sacrifice de Péssa’h, il faut impérativement être pur.
Il faut donc mettre en garde Israël avant Rosh ‘Hodesh Nissan, afin que chacun puisse offrir son sacrifice de Péssa’h en état de pureté.
Selon l’opinion de nombreux décisionnaires médiévaux ainsi que selon l’opinion de Maran l’auteur du Shoul’han ‘Arou’h (O.H chap.685-7), l’obligation de cette lecture est une ordonnance de la Torah, tout comme celle de « Za’hor ».

Les mêmes moyens mais pas les mêmes objectifs
Contexte
Hashem ordonne à Moshé et à Aharon le commandement de Para Adouma – La vache rousse.

Cette Mitsva consiste à se procurer une vache totalement rousse, sans la moindre imperfection, et qui n’a jamais porté de poids. On procédait à la Shé’hita – l’abatage rituel de cette vache - puis elle était complètement brûlée. Les cendres de la vache étaient mélangées à de l’eau du Beit Ha-Mikdash, et toute personne ou objet ayant été au contact ou en présence d’un mort, étaient aspergés de ce mélange, et retrouvaient leur statut de purs.

Ce qui fait du commandement de Para Adouma, une ‘Houka – une loi irrationnelle - c’est que justement, celui qui aspergeait les personnes ou objets afin de les rendre purs, devenait lui-même impur. Il devait lui-même suivre un nouveau processus de purification.

« Hashem parla à Moshé et à Aharon en ces termes: "Ceci est la ‘Houka (la loi irrationnelle) de la Torah ; Parles aux Béné Israël et qu’ils prennent pour toi une vache rousse parfaite … » (Bamidbar 19 – 2)

Midrash Rabba (19-8) :
Pourquoi tous les sacrifices sont constitués d’animaux males, alors que la vache rousse est une femelle ? Rabbi Eybo dit : C’est comparable à l’enfant d’une servante qui a sali le palais du roi. Le roi dit : Appelez la mère de cet enfant afin qu’elle vienne réparer les dégâts de son enfant. Ainsi, Hashem demande que l’on offre la vache rousse, afin qu’elle répare la faute du Veau d’Or.

Le Rav GOLDVASSER - cité par le livre Yalkout Léka’h Tov - explique qu’il existe un véritable parallèle entre la salissure du veau et le nettoyage de la vache.
En effet, la confection du Veau d’Or résulta de la transformation de la matière (l’or) en être vivant (le veau), par l’intervention du feu.
Alors qu’en parallèle, les cendres de la vache rousse s’obtiennent par un processus contraire : la transformation d’un être vivant (la vache) en matière (les cendres), toujours par l’intervention du feu.

Cela signifie que l’on peut tout à fait construire le monde au moyen du feu, mais on peut aussi le détruire par ce même moyen !

Il en est de même avec toutes les autres forces et moyens existant dans le monde, qui peuvent être à la fois bénéfique et nuisibles.
Nous ne devons pas faire confiance à la seule compréhension de notre esprit, provenant de notre seule vision des choses !!
La destruction des anciens est en réalité une construction. La construction des jeunes n’est qu’une destruction (Guémara Méguila 31b).

Il existe une descente qui aboutit vers une ascension, et une ascension qui n’est en réalité que la pire des chutes !!

C’est ce principe que nous apprennent la vache et le veau.
La combustion de la vache - que l’on pourrait interpréter comme une destruction – n’est en réalité que la création de la pureté. Alors que la combustion de l’or qui a engendré le veau – que l’on pourrait interpréter comme une création – n’est en réalité que destruction pour le monde. 

Shabbat Shalom