Par le Rav David A. PITOUN
Vayakhel
L’ambition
La Torah nous relate les diverses offrandes matérielles offertes par les Béné Israël pour la construction du Mishkan.
Puis vinrent tous les hommes au cœur élevé, aux sentiments généreux, apportant le tribut d’Hashem pour l'œuvre de la Tente d'assignation (Ohel Mo’ed) et pour tout son culte, ainsi que pour les vêtements sacrés (du Cohen Gadol). (Shémot 35-21).
Le RAMBAN précise que pas un seul des Béné Israël n’avait appris les différents métiers relatifs aux travaux du Mishkan. Ils n’avaient pas la moindre expérience professionnelle dans aucun des corps de métier concernés par la construction du Mishkan. Toutes les personnes venues spontanément devant Moshé Rabbenou pour prendre part aux travaux, n’étaient que des gens inspirés par le désir de s’élever dans les voies d’Hashem, prêts à s’engager à réaliser tout travail qui leur sera demandé. Telle est l’explication des termes « les hommes au cœur élevé ».
Selon l’ancien Mashgia’h Rou’hani de la Yéshiva de MIR, le Gaon Rabbi Yérou’ham LEVOWITZ z.ts.l, les propos du RAMBAN servent à comprendre la véritable définition de l’ambition et de l’esprit d’initiative.
Si l’on observe les géants de ce monde, les gens les plus fortunés sont parvenus au sommet de leur réussite seulement grâce à leur prodigieuse ambition.
Une personne sans ambition ne parvient généralement pas à grimper les échelons de la réussite.
A partir de là, une caractéristique flagrante existe chez l’individu:
Celui qui possède de l’ambition, contient également en lui la grandeur.
Une telle personne possède davantage de chances de parvenir au sommet de la réussite si elle escalade la montagne.
Mais celui qui ne possède pas d’ambition, fait partie des faibles et des insignifiants, dont les facultés naturelles leur permettront seulement de rester constamment dans leur faiblesse.
La Torah atteste que ceux qui ont réussis n’étaient pas des « professionnels », mais seulement des gens qui possédaient « un cœur élevé », l’ambition, et qui se sont spontanément engagés à réaliser le travail.
Cette capacité n’était pas celle de quelques personnes de cette génération mais de tout un peuple!
En effet, Moshé Rabbénou se présente au Nom d’Hashem et propose au peuple entier une « affaire » géante et très complexe, une affaire qui exige de devenir « une nation de Cohanim et un peuple saint », une affaire à travers laquelle il faut « s’attacher à Hashem », se délecter d’Hashem et jouir du rayonnement de sa splendeur, une affaire jamais vue au monde ni même essayée ou examinée.
Les Béné Israël, en tant que gens ambitieux, n’ont pas hésité un seul instant!
Ils répondent immédiatement: « Tout ce qu’Hashem dit, nous l’appliquerons ».
Une telle attitude ne peut qu’indiquer la grande largesse de cœur exigée pour une telle ambition!
Ce principe a une source dans les enseignements de nos maitres.
En effet, le roi Salomon dit dans le livre de Mishlé (chap.6):
Paresseux! Va trouver la fourmi, observe ses façons d'agir et deviens sage. Elle n'a ni maitre, ni surveillant, ni supérieur. Elle prépare sa nourriture durant l'été, et elle amasse ses provisions au temps de la moisson!
Le Midrash Rabba sur Dévarim (chap.5 sect.2) commente ce verset ainsi:
Qu’est ce que le roi Salomon voit de si utile pour le paresseux en lui indiquant d’aller apprendre de la fourmi? Nos maitres disent: La fourmi possède 3 maisons. Elle n’engrange pas dans la maison supérieure par crainte d’inondation. Elle ne le fait pas non plus dans la maison inférieure en raison du froid. Elle engrange dans la maison intermédiaire. Elle ne vit que 6 mois… Elle ne se nourrit que d’un grain de blé et demi, mais pourtant elle engrange durant l’été tout ce qu’elle trouve, des grains de blé, des grains d’orge, des lentilles … Pourquoi agit-elle ainsi? Car elle se dit: « Peut-être qu’Hashem décrètera davantage de vie pour moi, et ainsi, j’aurais de quoi manger. » Rabbi Shim’on Bar Yo’haï dit : « Un jour, on trouva dans le trou d’une fourmi une quantité de 300 Kour (plus de 70 000 litres) de nourriture qu’elle engrange de l’été à l’hiver. »
C’est donc pour cette raison que le roi Salomon dit: « Paresseux! Va trouver la fourmi, observe ses façons d'agir et deviens sage. » Pour nous dire: « Vous aussi, préparez vous des Mitsvot de ce monde vers l’autre monde! »
Quelle quantité de travail d’engrangement une fourmi – avec ses capacités si petites et si limitées – peut-elle réaliser?! De plus, la raison qu’elle se trouve pour justifier son attitude « Peut-être qu’Hashem décrètera davantage de vie pour moi » est surréaliste!
Et pourtant, l’ambition est grande! La fourmi réalise des actions qui semblent bien au-delà de ses capacités, et elle réussi de façon remarquable!
S’il en est ainsi pour une créature si petite, la fourmi, à fortiori pour l’être humain lorsqu’il prend conscience de ses prodigieuses capacités!!
Par opposition à la fourmi, chez l’homme il s’agit d’un travail indispensable de la vie!
Il est tenu - du fait de sa fonction – de s’armer de courage et d’insuffler en lui-même l’ambition, la créativité, l’ascension sans fin ni limite.
Que peut espérer l’homme lorsque son ambition est très faible et qu’elle n’atteint « qu’un grain de blé et demi », alors qu’il est tenu d’en rassembler plus de 70 000 litres?!!
Bien malheureusement, nous sommes très nombreux dans cette situation, exactement le contraire de la fourmi!!
Nous comprenons mieux le secret de la réussite des Géants de la Torah dans les générations passées. Ce n’est pas la capacité qui a animé leurs actes, mais uniquement leur très fort désir intérieur.
Leur prodigieuse ambition, qui était bien au-delà de leurs véritables capacités, les a élevés vers les sommets.
Notre manque d’ambition nous handicape, et c’est là que réside la cause de notre état si faible.
Sans ambition illimitée, nous ne ferons rien.
Dès le premier pas, notre orientation et notre aspiration doivent être dirigées vers le sommet le plus élevé.
Il ne s’agit pas là d’une « option libre » mais d’une véritable obligation, comme il est enseigné dans le Tana Dévé Eliyahou (chap.25):
« L’homme a le devoir de dire: quand est-ce que mes actes atteindront ceux de mes ancêtres, Avraham, Its’hak et Ya’akov? »
« Le devoir », car cela fait partie des principes du culte, et des choses les plus indispensables.
C’est en calquant les grands et les géants que l’homme exploitera ses capacités au maximum.
Sans ambition, l’homme reste au plus bas des niveaux!!!
Parashat Shékalim
Le Shabbat qui précède le mois d’Adar est appelé Shabbat Shekalim, car à l’époque du Beit Hamikdash, lorsque débutait le mois d’Adar, le Beit Din diffusait un communiqué selon lequel chaque juif devait s’acquitter de son devoir de donner la pièce du Ma’hatsit Hashekel – le demi-Shekel que l’on offrait au Beit Hamikdash, et qui avait pour vocation le financement des bêtes pour les sacrifices de la collectivité durant toute l’année.
Cette année (5782), ce Shabbat Shekalim tombe ce Shabbat Vayakhel.
A cette occasion, on sortira 2 Sifré Torah:
1. la Parasha de la semaine (Vayakhel)
2. la Parasha de Shekalim (début de Ki Tissa)
Il est rapporté dans le Midrash:
Lorsque Moshé Rabbenou arriva à la Parasha de Shekalim (début de Ki Tissa), il s’écria:
« Maître du Monde! Lorsque je ne serai plus de ce monde, je serai oublié d’Israël comme on oublie un mort! »
Hashem lui répondit:
« Je peux jurer par ta vie que ni ton nom, ni ton souvenir ne seront oubliés d’Israël à tout jamais, comme il est dit (Mal’a’hi chap.3): Souvenez-vous de la Torah de Moshé …. »
Une question est posée sur ce Midrash:
Pour quelle raison Moshé Rabbenou éprouve-t-il cette crainte de disparaître du souvenir d’Israël, et qui plus est, pourquoi l’éprouve-t-il exclusivement lorsqu’il arrive à la Parasha de Shekalim?
Le Na’halat Ya’akov explique que la Mitsva de donner le demi-Shekel, nous apporte également une allusion à la manière d’étudier la Torah.
En effet, on peut très bien se demander pour quelle raison doit-on donner uniquement un demi-Shekel et non pas un Shekel entier?
En réalité, cela vient nous rappeler que l’on ne doit jamais étudier la Torah seul, mais uniquement à 2 (en binôme), car celui qui étudie la Torah lorsqu’il est seul, oublie ce qu’il étudie et ne peut pas pénétrer profondément le sens de ce qu’il apprend. La Torah est entière uniquement lorsqu’elle est étudiée par 2 personnes.
Nous retrouvons cette idée dans le demi-Shekel.
Lorsque 2 personnes donnent chacun un demi-Shekel, que ces personnes soient riches ou pauvres, leurs 2 demi-shekels formeront un Shekel entier.
Nous avons donc appris que le fait d’étudier la Torah à 2 constitue donc un moyen de se rappeler de ce que l’on apprend.
Cependant, il est aussi écrit que le moyen de se souvenir de ce que l’on a appris est de rappeler le nom du maître qui nous a enseigné ce que l’on a appris. En rappelant son nom, on se souviendra forcément de ce qu’il nous a appris.
Voilà donc quelle était l’inquiétude de Moshé Rabbenou en arrivant à la Parasha de Shekalim.
En comprenant l’allusion qui réside dans le demi-Shekel - qui nous rappelle qu’il faut étudier la Torah en étant 2 personnes, et que cela constitue aussi un moyen de se souvenir de ce que l’on apprend - Moshé se dit qu’il n’est donc plus nécessaire de mentionner son nom pour se souvenir de ce que l’on apprend. Effectivement, il existe un autre moyen pour préserver la mémoire de ce que l’on apprend, et ce moyen constitue simplement à étudier la Torah en étant 2.
C’est pourquoi Hashem le rassure en lui disant que quel que soit le moyen que les Bné Israël utiliseront pour se rappeler de ce qu’ils apprennent, ils mentionneront toujours son nom, puisque la Torah est appelée sur son nom, comme il est dit (Mal’a’hi chap.3): « Souvenez-vous de la Torah de Moshé…. »
(D’après le livre Vayomer Avraham du Gaon et Tsaddik Rabbi Avraham M. PATTAL Ha-Lévi z.ts.l, beau-père de notre maître le Rav Ovadia YOSSEF z.ts.l)
Shabbat Shalom
Rédigé et adapté par Rav David A. PITOUN France 5782