Commentaires rédigés par le Rav David PITOUN, pour Halacha Yomit
Matot
La vengeance contre Midian et la reconnaissance
« Réalise la vengeance des Bené Israël contre Midian, ensuite tu rejoindras tes pères. » (Bamidbar 32-2)
Sifré : Cela indique que la mort de Moché est retardée par la guerre contre Midian, et malgré cela, Moché va et agit avec joie.
Quelle pureté de cœur de la part de Moché Rabbenou !!
Hachem vient d’informer Moché Rabbenou que sa mort « dépend » de la réalisation de son ultime mission : mener une guerre punitive contre Midian, et en d’autres termes, tant qu’il n’aura pas rempli cette mission, il ne meurt pas.
C’est d’ailleurs pour cela que le texte affirme que le peuple a fourni à contre cœur les soldats pour mener cette bataille, sachant pertinemment que la mort de leur maître – Moché Rabbenou – dépendait de la réalisation de cette tâche.
Mais Moché Rabbenou quant à lui, ne tient compte d’aucun paramètre et se hâte de faire partir le peuple à la bataille ordonnée par Hachem.
Qu’est-ce qui motive Moché Rabbenou à agir de la sorte ?
La réponse à cette question se trouve dans le verset suivant :
« Moché parla au peuple en ces termes : fournissez des hommes pour l’armée, afin qu’ils partent en campagne contre Midian, afin de réaliser la vengeance d’Hachem contre Midian. » (Bamidbar 32-3)
Le Midrach souligne la modification que l’on trouve dans les propos de Moché Rabbenou : « la vengeance d’Hachem » alors que dans le verset précédent, nous constatons qu’Hachem lui ordonne de réaliser « la vengeance des Bené Israël ».
Moché Rabbenou vit dans l’ordre de mener une guerre punitive contre Midian, un moyen de venger la honte et le blasphème du Nom d’Hachem que Midian a causé en incitant les Bené Israël à la débauche, beaucoup plus que les dramatiques conséquences sur le peuple, à savoir la mort de 24 000 personnes du fait de la colère d’Hachem.
Vue d’une telle façon, il n’était donc pas question pour Moché Rabbenou de retarder la réalisation de cet ordre, même si cela doit hâter le moment de sa mort. Il s’est donc empressé d’accomplir – dans la joie – la volonté de son Créateur.
Ces propos nous amènent à un étonnement supplémentaire :
Si la réalisation de cet ordre était si importante aux yeux de Moché Rabbenou, comment se fait-il qu’il délègue Pin’hass et El’azar pour diriger la bataille, alors que l’ordre d’Hachem était explicite : « Réalise la vengeance des Bené Israël contre Midian… » ce qui signifie « Réalise par toi-même » ?
Cette question a déjà été abordée par les Sages du Midrach Rabba et Tan’houma.
En effet, sur le verset « Moshé les envoya… », nos Sages demandent:
Hachem demande à Moché de réaliser la vengeance par lui-même, et il délègue d’autres personnes pour le faire ?!
En réalité, Moché Rabbenou a été recueilli par Midian (lorsqu’il a fui l’Egypte devant la menace de mort de Pharaon).
Il se dit : Il n’est pas « légal » que je frappe moi-même celui qui m’a prodigué du bien.
Le proverbe dit : « Ne jette pas la pierre dans le puit duquel tu as bu. »
Nous pouvons apprendre d’ici combien est précieuse la qualité de la reconnaissance.
Comment Moché Rabbénou peut à la fois exprimer autant d’empressement à accomplir un ordre Divin, même si l’accomplissement de cet ordre signifie pour lui la fin de sa mission sur terre, et simultanément, il se retient d’accomplir cet ordre par lui-même – bien que l’ordre était explicite « Réalise la vengeance des Bené Israël contre Midian… ». Tout ceci pourquoi ? Par reconnaissance !
De plus, qu’est-ce que peuvent représenter les habitants de Midian, et quel est le sens du bien qu’ils ont prodigué à Moché Rabbénou, face au fait qu’ils ont incité Israël à la débauche et provoqué la mort de 24 000 Bené Israël par la colère d’Hachem ?! Ce crime n’est-il pas dramatique face à la « bonté » qu’ils ont prodiguée à Moché Rabbénou ?!
Malgré tout, le sentiment de « ne pas jeter la pierre dans le puit duquel il a bu » prend le dessus sur tous les calculs et ne laisse pas Moché Rabbénou sortir lui-même en guerre contre ses bienfaiteurs.
L’empressement à accomplir les Mistvot d’Hachem ne doit pas faire d’ombre aux règles du savoir-vivre !!
Mass’é
« Mass’é Béné Israël » – les étapes : Faire Téchouva sans devenir amnésique !
« Voici les différents voyages que les Béné Israël ont effectué lorsqu’ils sont sortis d’Egypte, par la main de Moché et d’Aharon. » (Bamidbar 33 – 1 Début de notre Paracha)
Rachi : L’énumération de toutes ces étapes est comparable à un roi dont l’enfant est malade et que son père emmène dans un endroit lointain afin de le soigner.
Sur le chemin du retour, le roi montre à son fils tous les endroits par lesquels ils sont passés à l’aller, en lui rappelant : ici, nous avons dormis ; ici, nous nous sommes rafraîchis ; ici, tu as eu mal à la tête…
Question : Quel rapport y a-t-il entre les exemples choisis par Rachi et les Béné Israël ? N’avaient-ils pas le droit de dormir ou de se rafraîchir ?!
Réponse : « Ici, nous avons dormis » est une allusion au fait que les Béné Israël dormaient le matin de Matan Torah (le don de la Torah) et qu’ Hachem fut dans l’obligation de les réveiller.
« Ici, nous nous sommes rafraîchis » est une allusion au refroidissement spirituel que Amalek a implanté au sein du peuple d’Israël. (Le texte dit au sujet de l’attaque de Amalek : « Acher Kare’ha … » qui signifie : « qui t’a refroidit »)
« Ici, tu as eu mal à la tête » est une allusion à la faute du Veau d’Or par laquelle tu as émis des « douleurs » en ce qui concerne ta « tête », ta Emouna (ta foi).
Même lorsqu’on a fait Téchouva (repentir) et que l’on est parvenu à un niveau spirituel et à un niveau de pratique du judaïsme assez élevé, il est bon de ne pas oublier ce que l’on a été dans le passé, afin de toujours garder à l’esprit une volonté de progression.
Chabbat Chalom !