Par le Rav David A. PITOUN
La réinsertion selon la Torah
Voici les lois que tu placeras devant eux.
Lorsque tu feras l’acquisition d’un serviteur hébreu, il devra te servir durant 6 ans, mais à la 7ème année, tu l’affranchiras gracieusement.
S’il est arrivé seul, il repartira seul, mais s’il est marié, son épouse repartira avec lui. (Shemot 21-1.2.3 Début de notre Parasha)
Rashi
Lorsque tu feras l’acquisition d’un serviteur hébreu
Cette acquisition se fait par l’intermédiaire du Beit Din qui vend cet individu arrêté pour avoir volé, et qui est vendu parce qu’il n’a pas la possibilité de rembourser son vol.
Question: N’y avaient-ils pas de sujets plus nobles pour débuter notre Parasha – par exemple la Mitsva de prêter de l’argent à un juif («אם כסף תלוה את עמי »), ou bien le cas du gardien bénévole (Shomer ‘Hinam) qui offre gracieusement ses services aux gens, qui sont des sujets également contenus dans notre Parasha – pourquoi débuter notre Parasha en nous parlant d’un voleur?
Réponse: Le Gaon Rabbi Ya’akov NYEMANN z.ts.l rapporte dans son livre Darké Moussar au nom du Sabba de Kelem z.ts.l:
Si la Torah était l’œuvre d’un être humain, il est certain qu’il aurait décidé de débuter notre Parasha avec un sujet qui met plutôt en relief des individus qui prodiguent du bien à la société, et non en nous parlant d’un individu humiliant comme un voleur.
Mais la Torah est l’œuvre d’Hashem et nous sommes ses enfants!
Lorsqu’un père a un enfant qui est voleur, ce père va se consacrer totalement à chercher les meilleurs moyens pour ramener son fils dans le droit chemin, car vis-à-vis de ses autres enfants, il n’a pas de soucis particuliers à se faire puisqu’ils marchent déjà dans le droit chemin.
C’est pour cela que dès le début de notre Parasha de Mishpatim, Hashem se souci d’abord de son fils voleur, et cherche des moyens pour le ramener dans la droiture et l’honnêteté.
C’est pourquoi la Torah demande au Beit Din de vendre cet individu à une personne respectable chez qui ce voleur va séjourner durant 6 ans, en apprenant auprès du chef de maison ainsi qu’auprès des membres du foyer, la politesse, le savoir-vivre, et va acquérir de bonnes qualités humaines. Ce voleur verra aussi qu’on lui montre du respect et qu’on lui donne de l’importance puisque nos maîtres nous enseignent (Kiddoushin 20a et à d’autres endroits) qu’il est interdit au chef de maison de consommer du pain frais alors que son serviteur consomme du pain ranci. Il est aussi enseigné dans le Yéroushalmi que si le chef de maison possède un seul coussin et que le serviteur n’en a pas, le chef de famille est tenu de donner son coussin à son serviteur et de dormir sans coussin.
Devant tant d’égard, le serviteur ne peut que penser:
« Si l’on me témoigne tant de considération, comment puis-je être un voleur ?! »
Tout ceci ne peut que l’influencer positivement et le ramener dans le droit chemin.
Même au-delà des 6 ans, notre sainte Torah se soucie encore de lui afin qu’il ne récidive pas, et elle ordonne au chef de maison de lui fournir des bêtes de son propre troupeau, afin qu’il ait de quoi se nourrir. De même, durant tout le temps où le serviteur sert son maître, celui-ci est tenu de nourrir la femme et les enfants de son serviteur afin qu’ils ne deviennent pas à leur tour des voleurs.
Alors que les législations établies par l’être humain sont totalement différentes puisqu’elles imposent au voleur d’être incarcéré dans une prison qui ne va pas l’influencer positivement, où il va côtoyer d’autres voleurs, et où il va se noyer dans l’abîme de ses fautes. À sa sortie de prison, n’ayant pas de moyen de subsistance pour subvenir aux besoins de son foyer, il sera donc forcé de redevenir un voleur. De plus, pendant tout le temps où il va séjourner en prison, sa femme et ses enfants n’auront pas de quoi vivre et deviendront à leur tour des voleurs.
Mais comme nous l’avons dit, notre sainte Torah s’est d’abord souciée du repentir de ce voleur, et c’est pour cette raison qu’elle ordonne de le vendre. C’est donc pour exprimer tout l’amour d’Hashem envers ses enfants que la Parasha de Mishpatim débute par le sujet du serviteur juif.
Parashat Shékalim
Le Shabbat qui précède le mois d’Adar est appelé Shabbat Shékalim, car à l’époque du Beit Hamikdash, lorsque débutait le mois d’Adar, le Beit Din diffusait un communiqué selon lequel chaque juif devait s’acquitter de son devoir de donner la pièce du Ma’hatsit Hashékel – le demi-Shekel que l’on offrait au Beit Hamikdash, et qui avait pour vocation le financement des bêtes pour les sacrifices de la collectivité durant toute l’année.
Cette année (5781), ce Shabbat Shékalim tombe ce Shabbat Mishpatim.
A cette occasion, on sortira 2 Sifré Torah:
1. la Parasha de la semaine (Mishpatim)
2. la Parasha de Shekalim (début de Ki Tissa)
Il est rapporté dans le Midrash:
Lorsque Moshé Rabbenou arriva à la Parasha de Shekalim (début de Ki Tissa), il s’écria:
« Maître du Monde ! Lorsque je ne serai plus de ce monde, je serai oublié d’Israël comme on oublie un mort ! »
Hashem lui répondit:
« Je peux jurer par ta vie que ni ton nom, ni ton souvenir ne seront oubliés d’Israël à tout jamais, comme il est dit (Mal’a’hi chap.3): Souvenez-vous de la Torah de Moshé…. »
Une question est posée sur ce Midrash:
Pour quelle raison Moshé Rabbenou éprouve-t-il cette crainte de disparaître du souvenir d’Israël, et qui plus est, pourquoi l’éprouve-t-il exclusivement lorsqu’il arrive à la Parasha de Shekalim?
Le Na’halat Ya’akov explique que la Mitsva de donner le demi-Shekel, nous apporte également une allusion à la manière d’étudier la Torah.
En effet, on peut très bien se demander pour quelle raison doit-on donner uniquement un demi-Shekel et non pas un Shekel entier?
En réalité, cela vient nous rappeler que l’on ne doit jamais étudier la Torah seul, mais uniquement à 2, car celui qui étudie la Torah lorsqu’il est seul, oublie ce qu’il étudie et ne peut pas pénétrer profondément le sens de ce qu’il apprend. La Torah est entière uniquement lorsqu’elle est étudiée par 2 personnes.
Nous retrouvons cette idée dans le demi-Shekel.
Lorsque 2 personnes donnent chacun un demi-Shekel, que ces personnes soient riches ou pauvres, leurs 2 demi-shekels formeront un Shekel entier.
Nous avons donc appris que le fait d’étudier la Torah à 2 constitue donc un moyen de se rappeler de ce que l’on apprend.
Cependant, il est aussi écrit que le moyen de se souvenir de ce que l’on a appris est de rappeler le nom du maître qui nous a enseigné ce que l’on a appris. En rappelant son nom, on se souviendra forcément de ce qu’il nous a appris.
Voilà donc quelle était l’inquiétude de Moshé Rabbenou en arrivant à la Parasha de Shekalim.
En comprenant l’allusion qui réside dans le demi-Shekel - qui nous rappelle qu’il faut étudier la Torah en étant 2 personnes, et que cela constitue aussi un moyen de se souvenir de ce que l’on apprend - Moshé se dit qu’il n’est donc plus nécessaire de mentionner son nom pour se souvenir de ce que l’on apprend. Effectivement, il existe un autre moyen pour préserver la mémoire de ce que l’on apprend, et ce moyen constitue simplement à étudier la Torah en étant 2.
C’est pourquoi Hashem le rassure en lui disant que quel que soit le moyen que les Bné Israël utiliseront pour se rappeler de ce qu’ils apprennent, ils mentionneront toujours son nom, puisque la Torah est appelée sur son nom, comme il est dit (Mal’a’hi chap.3): « Souvenez-vous de la Torah de Moshé…. »
(D’après le livre Vayomer Avraham du Gaon et Tsaddik Rabbi Avraham M. PATTAL Ha-Lévi z.ts.l, beau père de notre maître le Rav Ovadia YOSSEF z.ts.l)
Shabbat Shalom
Rédigé et adapté par Rav David A. PITOUN France 5775