Question: Selon notre tradition, le jour de Chabbat, le chef de famille coupe le pain, mais étant donné que le convives sont nombreux à table, il jette à chacun des convives un moreau de pain. Cette tradition est-elle juste selon la Halacha?
Réponse: Il est expliqué dans la Guémara traité Béra’hott (46a) que le jour de Chabbat, il ne faut pas honorer l’un des convives à procéder au Motsi et à rompre le pain, c’est uniquement le chef de famille qui coupe lui-même le pain, et le distribue aux convives.
Ceci, pour la raison évidente de donner un morceau généreux, en distribuant un beau morceau de pain, comme une quantité de Kazaït (27 g) (il existe une raison Kabbalistique à cela, comme écrit dans le Zohar Ha-Kadoch sur ‘Ekev).
C’est pourquoi, votre tradition - selon laquelle le chef de famille rompt le pain et le distribue à chacun – est une tradition juste, et c’est ainsi que l’on agit dans toutes les communautés du peuple d’Israël.
Par contre, votre usage selon lequel le chef de famille jette le morceau de pain à chacun des convives, nécessite réflexion.
En effet, les Tossafott écrivent (Béra’hott 50b) que jeter (ou lancer) le pain est interdit, même lorsqu’il ne se détériorera pas en le jetant, car il y a une rigueur particulière concernant le pain, envers lequel il faut se comporter avec respect. Or, le fait de le jeter constitue un acte humiliant envers le pain. C’est pourquoi, ils écrivent qu’il faut interdire de jeter le pain en toute situation. L’opinion des Tossafott sur ce point est partagée par de nombreux autres de nos maitres les décisionnaires médiévaux.
Cependant, le RACHBA écrit au nom de Rabbénou Haï GAON que l’on peut autoriser le fait de jeter (lancer) le pain, lorsqu’il ne se détériorera pas pour autant, au même titre qu’il est permis de lancer d’autres aliments lorsqu’ils ne se détérioreront pas. (Par exemple, il est permis de lancer des bonbons enveloppés de leur emballage en l’honneur des mariés).
Et il n’y aurait là aucune crainte d’acte humiliant envers le pain.
Dans la pratique, MARAN écrit dans le Choul’han ‘Arou’h (chap.171) qu’il est interdit de jeter du pain d’un endroit vers un autre, même lorsqu’on le jette vers un endroit où il ne risque pas de se détériorer, car le fait de le jeter constitue une plus grande humiliation que le fait d’en faire une utilisation quelconque.
Nous devons évidement accepter les propos de MARAN auteur du Choul’han ‘Arou’h.
Il est vrai que de grands ADMORIM (chefs ‘Hassidiques) avaient l’usage de jeter le pain aux convives, en particulier lorsqu’il s’agissait d’une très longue table.
Certains décisionnaires des derniers siècles justifient cet usage.
Le Gaon Rabbi ‘Haïm de TSANZ (dans ses notes) écrit qu’étant donné que selon de nombreux décisionnaires médiévaux on peut autoriser la chose, et que tel est l’usage, on peut donc autoriser. Mais il écrit lui aussi qu’une personne religieusement consciencieuse devra craindre la chose et s’en abstenir.
Particulièrement vis-à-vis du pain sur lequel on récite la bénédiction le jour de Chabbat, puisque le Péri Mégadim écrit (voir Michna Béroura chap.197 note 88) que selon tous les avis il est interdit de le jeter (lancer), car il y a là une humiliation envers une Mitsva.
Par conséquent, le plus juste pour toute personne craignant Hachem est de s’abstenir d’un tel usage, qui s’oppose au sens le plus simple des propos des décisionnaires (en particulier du fait que l’humiliation du pain peut entraîner la pauvreté).
En conclusion: Le chef de famille coupe le pain et en distribue un beau morceau à chacun des convives. Il ne doit pas jeter (lancer) le morceau de pain devant les convives, mais leur faire passer au moyen d’une assiette ou par un autre moyen.