Ces derniers jours, nous avons traité du devoir du respect des parents.
Nous avons mentionné le fait que celui qui honore ses parents dans leur vieillesse, méritera lui aussi en général que ses enfants l’honorent dans sa vieillesse.
Le Gaon Rabbi Chalom CHWADRON z.ts.l raconta qu’il y a plus de cent ans, dans un village de Pologne, vivait un juif très riche. Il faisait partie des juifs orthodoxes, mais son épouse était sous l’influence de l’esprit de la « Haskala » (« l’ère des lumières », mouvement intellectualiste à tendance libérale) qui était largement répandu à cette époque. Le couple avait un fils unique.
Lorsque l’enfant eut 5 ans, la femme dit à son mari :
« Notre fils grandit, et tu veux certainement l’envoyer au « Talmud Torah » (école juive religieuse). Mais écoute-moi mon cher mari, si notre fils unique va étudier la Torah, que va-t-il sortir de lui ?! Un étudiant en Yéchiva, et peut-être même un étudiant au Kolel ?! Et que va-t-il advenir de nous lorsque nous serons âgés ?? Nous n’aurons pas d’argent pour le nourrir !! »
Le mari répondit :
« Nous sommes suffisamment riches pour vivre encore de nombreuses années ! »
Mais sans succès, la mère resta sur sa position et décida d’envoyer son fils dans une école générale sous prétexte que leur fils est tenu de les aider lorsqu’ils seront âgés !
Le mari écouta donc son épouse et envoya son fils dans une école générale dans le village, ceci contre l’avis du Rav du village, qui s’opposa catégoriquement à cette idée.
Dix années passèrent et l’enfant était maintenant âgé de 15 ans.
Mais une catastrophe arriva à travers un grand incendie qui décima tout le village (en ces temps là, la plupart des maisons étaient en bois, et ce genre de sinistre était malheureusement fréquent). Des dizaines de juifs devinrent pauvres, sans un toit pour les abriter.
La maison de notre riche fut elle-aussi détruite, mais il possédait suffisamment de biens dans la ville comme à l’extérieur, et sa fortune personnelle ne fut quasiment pas entamée.
Un jour brumeux, après l’incendie, les notables de la ville se réunirent au domicile du Rav du village, afin de trouver une solution pour reconstruire le village. Les notables dirent au Rav qu’ils avaient entamé des discussions avec les autorités polonaises, et le gouvernement polonais avait validé un énorme prêt d’une somme pouvant couvrir les frais de la reconstruction de toutes les maisons du village.
Un prêt du gouvernement qui devra être soldé au bout de 30 ans.
Mais à la seule condition que les habitants du village soient en mesure de présenter un garant.
Au milieu de la réunion, le Rav s’adressa à notre riche :
« Je te fais la promesse avec engagement que nous paierons l’intégralité de la somme au bout de 30 ans ! De ce fait, je te demande de signer en tant que garant pour accomplir cette Mitsva de sauver des vies, qui se présente devant toi ! »
« Monsieur le Rav – répondit le riche – Que veut dire tout ceci ?! Et si – ‘Hass Véchalom – les habitants ne paient pas ?? Que va-t-il advenir de mes biens ??!
Il s’agit là d’une garantie équivalente à tous mes biens ! »
« Si tu ne signe pas l’acte de garantie – répondit le Rav – et que tu ne sauves pas les habitants du village, tu perdras ton monde ! Ce monde-ci et le Monde Futur !! »
Le cœur du riche se mit à battre fortement, et il demanda un jour de réflexion.
Il alla trouver son épouse pour lui demander conseil, et elle lui répondit :
« Malheur ! Que fais-tu ??! Veux-tu mettre en danger tout notre argent ??!
Elle réprimanda son époux et n’accepta pas.
Le riche retourna voir le Rav et lui raconta les propos de son épouse.
Le Rav ne le laissa pas se dérober à son devoir :
« Tu vas signer pour cette Mitsva de sauver des vies ! »
En définitif, le riche signa, sans en informer son épouse.
Après avoir réuni tous les documents ainsi que la garantie du riche, le Rav l’appela et lui dit :
« Comme je te l’ai dit hier, si tu ne signais pas, tu perdais ton monde, et à présent que tu as signé et que tu es à l’origine d’une si grande Mitsva de ‘Hessed (bonté), Hachem t’aidera dans ce monde-ci et dans le Monde Futur ! »
Le riche quitta le Rav et rentra chez lui.
Deux semaines passèrent et l’argent du gouvernement arriva.
En quelques jours, on commença à reconstruire les maisons, à la joie de tous les habitants du village.
Cinq années passèrent et le fils de notre riche était âgé de 20 ans.
Sa mère – qui commençait à vieillir – dit à son époux :
« Le temps est venu que notre brillant fils se joigne aux affaires familiales et qu’il se développe ! Un fils unique ! »
Les parents appelèrent leur fils et l’informèrent de leur décision de l’introduire dans les affaires du père, en lui souhaitant pleine réussite.
Le fils répondit :
« Merci beaucoup ! Qu’Hachem vous rallonge la vie, mais je ne suis pas intéressé. »
« Mais pourquoi ?? Nous sommes très intéressés par cette idée ! » – supplièrent les parents.
« Bon … alors je ne veux être qu’un simple employé » – répondit le fils.
Il posa des conditions à ses parents …
Ils le joignirent donc aux affaires de manière partielle.
Les jours passèrent et le fils comprit à quel point ses parents étaient tributaires de lui, et intéressés par le fait qu’il prenne l’affaire sous sa responsabilité. C’est alors qu’il « retourna sa veste » et se mit à réclamer.
Un jour, il demanda à son père de signer un document juridique, selon lequel le fils serait à présent le seul patron de toutes les entreprises familiales.
« Pourquoi ?? » – demanda le père.
Le fils lui répondit : « Demain ou après demain tu seras peut-être en voyage à l’étranger, et comment vais-je faire si j’ai besoin de ta signature pour une affaire ??? »
Ainsi, le fils réussi à faire signer son père et à obtenir de lui un pouvoir de décision sur toutes les affaires de son père.
Deux mois plus tard, le père arriva à son bureau. Le fils fit la grimace et lui dit :
« Pourquoi tu pénètres ainsi dans mon bureau en me dérangeant ?? »
En résumé, le fils commença à faire souffrir ses parents, et 6 mois s’écoulèrent sous cette forme.
Le riche possédait une villa.
Un jour, le fils se tourna vers son père et lui dit :
« Papa, vous êtes déjà âgés, et un simple appartement plus petit vous suffit. J’ai besoin de la villa pour développer les affaires, afin d’inviter des clients. Il serait donc utile que je m’installe ici, et vous irez habiter dans un appartement. »
Les parents – qui étaient déjà affaiblis – ne purent tenir tête aux pressions de leur fils, et avec beaucoup de peine, ils commencèrent à comprendre les véritables intentions de leur unique héritier.
C’est ainsi que la situation se dégrada d’année en année.
Le fils se maria, et il trouva encore d’autres prétextes pour repousser ses parents, au point de leur demander avec insistance de passer en « maison de retraite ».
Les parents lui dirent :
« Qu’est ce que cela peut-il bien te faire que nous habitions dans cet appartement, dans la paix et la tranquillité ?? Pourquoi penses-tu qu’il serait bon que nous passions en maison de retraite ?? »
Le fils répondit :
« Chaque semaine, je viens vous voir en vous donnant de l’argent de mes affaires, et il ne m’est pas agréable de vous donner que peu d’argent. C’est pourquoi, je vous donne avec largesse, et la chose me pèse financièrement. Si vous passez en maison de retraite, tout sera réglé et cadré chaque mois ! »
« Pourquoi ??! – cria le père – Toutes tes affaires viennent de nous !! »
Mais ses propos ne trouvèrent aucune oreille.
Et une grande discussion commença entre eux, au point où le fils « jeta » au visage de son père :
« Si vous poursuivez ces discussions, papa, je vous jette à la rue !!! »
(Quand est-ce que la décision de la « maison de retraite » fut prise ?? Exactement 30 ans après l’incendie du village !!)
Ce jour-là, le père sorti de son appartement les larmes aux yeux, et il se rendit à la maison du Rav du village, qui était lui aussi âgé.
Il entra et ferma la porte derrière lui et éclata en sanglots.
Il raconta au Rav ce qui lui était arrivé, et il ajouta :
« J’ai fauté !! Le Rav avait raison !! » Et il pleura sans s’arrêter devant le Rav.
« J’ai eu pleine satisfaction de cet enfant, et que puis-je faire à présent ??! » - cria le père avec amertume.
Soudain, une idée jaillit dans l’esprit du Rav, et il dit au père :
« Souviens-toi tu lorsque tu as signé le document de garantie il y a 30 ans, je t’ai béni en te souhaitant que par le mérite de cette Mitsva, il te sera fait du bien dans ce monde-ci et dans le Monde Futur. Et bien, avec l’aide d’Hachem, selon l’idée qui vient de me venir, tu es sauvé de ton fils rebelle ! Ecoute bien et agis selon mes paroles.
Chaque année – ajouta le Rav – j’ai épargné de l’argent de la caisse de la communauté, à l’approche du jour où nous devrons rembourser le prêt au gouvernement polonais. Entre-temps, l’argent a servi à différents prêts pour des familles nécessiteuses, mais à présent, toute la somme se trouve dans mon coffre-fort. Maintenant, Ecoute-moi : Nous n’allons pas rembourser la dette !!!
Ne raconte cela à personne, même pas à ton épouse. Va trouver ton fils, et dis lui que tu acceptes d’aller en maison de retraite, mais demande lui seulement un délai de 3 mois, et promets lui qu’au terme de ce délai, tu iras en maison de retraite, conformément à sa demande. »
Le père alla trouver son fils et fit comme le Rav demanda.
Le fils demanda au père de lui signer un document selon lequel il renonce à l’appartement au bout de 3 mois, et le père signa.
Au bout de deux mois, la date de remboursement arriva.
Les habitants ne payèrent pas, et de ce fait, un courrier affolant fut envoyé du ministère des finances polonais au fils, qui détenait la fortune de son père, qui était lui le garant du prêt.
Le fils ouvrit le courrier et ne crut pas ce qu’il vit !
Il courut immédiatement chez son père et lui demanda :
« Qu’est-ce qui se passe ici ?? »
Le père consulta le courrier, et fit comme s’il se souvenait :
« Oui, oui je me souviens ! Il y a 30 ans il eut un incendie et j’ai signé une garantie de prêt ! »
« Papa – dit le fils – cours immédiatement chez le Rav et que cette dette soit remboursée !! »
Le père alla chez le Rav, et – si l’on peut dire – lui raconta ce qu’il se passait. Il revint chez lui en disant : « Le Rav ne veut pas s’occuper de ça maintenant. »
Plusieurs jours passèrent, et des experts en biens immobiliers arrivèrent, accompagnés de policiers, afin d’évaluer la valeur des biens, qui s’élevaient à une somme énorme. Ils organisèrent ensuite une vente publique.
Les ventes s’achevèrent, et la somme d’un demi-million de roubles fut obtenue.
Le fils était complètement brisé intérieurement.
Il commença à rendre visite à ses parents dans leur humble appartement, dans l’espoir de trouver des solutions pour surmonter la situation.
Il commença à honorer son père et à valoriser sa droiture et son intelligence.
Lorsqu’un jour, le père dit à son fils :
« Mon fils ! Va trouver le Rav du village, il t’aidera peut-être avec des petits ou grands prêts, et tu pourras te relever, et peut-être même me nourrir moi aussi ! »
Le fils écouta son père et alla frapper à la porte du Rav.
Le Rav écouta la peine du fils et lui répondit de manière festive qu’il lui procurera l’argent, « mais s’il te plait, laisse-moi te poser une question : as-tu mis les Téfilin aujourd’hui ?? As-tu vu un tel comportement chez ton père ??! Porte un Tsitsit !!
Est-ce que tes parents ne méritent pas un peu de satisfaction de leur fils unique ??! »
Puisque son cœur était brisé, le Rav pouvait le réveiller sur ses actes accomplis jusqu’à présent.
Ainsi, durant les jours qui suivirent, il commença à l’éveiller sur ses actes bas et stupides. Le fils comprit avec le temps que sa conduite passée n’était pas correcte, au point où un jour, il entra chez le Rav et lui dit :
« Vous m’avez sauvé dans les 2 mondes ! Je n’ai pas besoin d’héritage ! Dommage que vous ne m’avez pas fait tout ceci il y a 20 ans ! Barou’h Hachem, je suis redevenu un être humain !! »
Le Rav le surpris en lui disant :
« Ne t’inquiète pas ! Tu recevras à la fois un héritage de tes parents, avec lequel tu pourras vivre en homme riche, et tu pourras aussi nourrir tes parents et honorer leur vieillesse ! »
Le fils ne comprit pas les paroles du Rav.
Le Rav ouvrit le coffre et lui montra l’argent qui revenait à son père, la somme énorme que la communauté leur devait !
Cette histoire est véridique.
Celui qui sauva des vies, eu le mérite que son fils fit Téchouva et se mette à l’honorer.
Cependant, l’acte prend sa source dans la pensée initiale, et si le père avait éduqué son fils dans le chemin de la Torah (s’il n’avait pas suivi la décision de son épouse), il n’aurait pas eu besoin de passer par toutes ces péripéties !
(Histoire rapportée dans le « ‘Houmach des Maguidim » page 154)