Question: Vous avez expliqué dans le cadre de la Halacha Yomit que même la plus petite quantité de ‘Hamets à Péssa’h ne s’annule jamais (même dans une majorité). Selon cela, est-il possible de boire une eau provenant des lacs, comme celui de Tibériade par exemple, alors qu’il est certain qu’il s’y trouve des miettes de ‘Hamets?
Réponse: Nous avons expliqué que le ‘Hamets ne s’annule pas, même lorsqu’il est mélangé à une proportion 1000 fois plus importante que lui. Cela signifie que si une miette de ‘Hamets se mélange à un plat dans une très grande marmite, il est interdit de consommer ce plat pendant Péssa’h. Cette rigueur n’existe dans aucun autre interdit alimentaire, car nous avons en général un principe selon lequel lorsqu’une infime partie d’interdit alimentaire se mélange à un aliment permis, l’interdit s’annule s’il y a une proportion de permis 60 fois plus importante que lui (« Batel Béchichim »). Par exemple : Si une goutte de lait tombe dans une marmite remplie d’un bouillon de viande, il est permis de consommer ce bouillon, car il est certain que le lait s’est annulé dans ce plat, puisqu’il y a une proportion de bouillon de viande supérieure à plus de 60 fois vis-à-vis de la goute de lait. Ce n’est que pour le ‘Hamets que nos maitres se sont montrés plus rigoureux en décrétant qu’il ne s’annule jamais, quelle que soit la proportion dans laquelle il se mélange, étant donné que la Torah s’est elle-même montrée très rigoureuse envers cet interdit, car il est condamnable de « Karètt » (retranchement de ce monde-ci et du monde futur), et de plus, la Torah l’interdit même à la possession pendant Péssa’h.
Cependant, beaucoup d’endroits sont soumis à un problème puisque les principales sources d’eau contiennent sans le moindre doute des miettes de ‘Hamets.
Selon cela, il faudrait apparemment interdire de consommer cette eau pendant Péssa’h, car il s’agit d’un « mélange de ‘Hamets ».
Il y a effectivement des ‘Hassidim qui s’imposent la rigueur de puiser de l’eau avant Péssa’h, en quantité suffisante pour la fête, et n’utilisent pas l’eau courante pendant la fête.
Il y a plus de 40 ans, certains ont soulevé ce problème en disant que plusieurs restaurants (qui n’observent malheureusement pas les règles de Cacherout) se trouvent sur les berges du lac de Tibériade en Israël, et déversent du ‘Hamets pendant la fête de Péssa’h dans le lac.
Lorsque notre maitre le Rav z.ts.l occupait les fonctions de Grand Rabbin d’Israël, il se déplaça lui-même afin de vérifier, et il constata que la chose était fondée.
De ce fait, il rédigea une Responsa sur le sujet.
En réalité, ce sujet fut traité il y a plus de 200 ans par le Gaon Rabbi Yéhochoua’ Eichel de TRINPOL, auteur du livre « Séfer Yéhochoua’ ». Il fait remarquer que dans des villages juifs se trouvant sur les berges des fleuves, les non-juifs jettent du ‘Hamets dans le fleuve pendant la fête de Péssa’h, ce qui constitue un problème de « mélange de ‘Hamets ».
Il écrit que tel était le cas dans la ville de « Douvna » (Douvno en Lituanie), où se situait un moulin sur les berges du fleuve, qui servait à moudre le blé au moyen du courant de l’eau. Ensuite les non-juifs jetaient les écorces du blé dans le fleuve. De même, ils jetaient dans le fleuve les déchets de la bière qu’ils y fabriquaient à partir de l’orge. De ce fait, il y a là un véritable problème de « mélange de ‘Hamets ».
Le Gaon auteur du « Séfer Yéhochoua’ » consulta sur cette question le Gaon de Lissa, auteur du ‘Havott Daa’att », qui répondit en autorisant la chose étant donné que le fleuve coule continuellement, le ‘Hamets qu’il contient n’est à aucun moment « conservé », et de ce fait, l’eau n’est pas considérée comme un « mélange de ‘Hamets ».
Le Gaon auteur du « Séfer Yéhochoua’ » écrit lui aussi un argument pour autoriser. En effet, toute la raison pour laquelle nos maitres ont décrété que le ‘Hamets ne s’annule pas, même dans 1000 fois plus, repose sur l’éventualité où le ‘Hamets aurait la capacité de donner du goût au mélange. Mais dans le cas d’un grand fleuve puissant, où il est impossible que le ‘Hamets donne du goût à l’eau, nos maitres n’ont pas décrété une telle interdiction.
Cependant, puisque de tels arguments sont quelque peu « innovants », le Gaon auteur du « Séfer Yéhochoua » écrit qu’il ne se sent pas l’audace d’autoriser la chose, car il craint de se fier à son argument personnel lorsqu’il s’agit de l’interdit de ‘Hamets à Péssa’h.
Mais le Gaon auteur du « Yad Yéhouda » écrit - après avoir pris connaissance des propos du « Séfer Yéhochoua’ » - « qu’il craint de se fier à lui-même », mais qu’en vérité le Din est juste, et il est conforme à l’argument du « Séfer Yéhochoua’ » selon lequel le décret de nos maitres ne s’applique pas lorsqu’il est impossible que le’Hamets donne du goût au mélange.
Cependant, notre maitre le Rav Ovadia YOSSEF z.ts.l écrit qu’il est délicat de s’appuyer uniquement sur cet argument. C’est pourquoi il ajoute ce qui est tranché dans la Choul’han ‘Arou’h, qu’il n’est pas nécessaire de procéder à la recherche du ‘Hamets dans une cour dans laquelle se trouvent des pigeons, car même s’il s’y trouverait un morceau de ‘Hamets, les pigeons s’empresseraient de le consommer (il est vrai que le Choul’han ‘Arou’h rapporte ce cas dans l’hypothèse où se trouverait du ‘Hamets, mais pour notre cas on peut autoriser davantage).
Selon cela, pour le cas du lac de Tibériade où il ne fait pas le moindre doute que les poissons s’empresseront de consommer tout ce que l’on y jettera, il n’y a absolument pas à craindre à un mélange de ‘Hamets, car les poissons mangeront le ‘Hamets de manière certaine.
De plus, il existe une divergence d’opinion Halachique parmi nos maitres les décisionnaires médiévaux au sujet de l’annulation d’une quantité de ‘Hamets pendant Péssa’h. En effet, selon l’opinion du RAZA (Rabbénou Zéra’hya auteur du « Maor »), le’Hamets s’annule pendant Péssa’h lorsqu’il se mélange à 60 fois plus, comme tous les autres interdits alimentaires.
En additionnant tous ces arguments, ainsi que d’autres arguments, notre maitre le Rav z.ts.l tranche qu’il est permis de consommer l’eau provenant des lacs, même s’il s’y trouve un peu de ‘Hamets jeté dans les lacs. (Chou’t Yabya ‘Omer vol.7 chap.43).