Question: Vendredi dernier, j’étais dans la cuisine à côté de la gazinière où était posée une marmite de poisson en train de cuire sans couvercle. J’ai fait frire un Schnitzel (viande) dans une poêle à proximité de la marmite de poisson, et sans le vouloir, des gouttes d’huile ont giclé de la poêle vers la marmite de poisson. M’est-il permis de consommer le poisson?
Réponse: Avant tout, nous devons expliquer la source de la question.
Nous avons déjà expliqué dans le passé qu’il est interdit de consommer du poisson et de la viande ensemble. Nous avons expliqué que cet interdit réside sur une transmission de nos maitres selon laquelle la consommation de viande et de poisson ensemble provoque un danger.
Vis-à-vis de la plupart des interdits alimentaires, comme la consommation de viande et de laitages, ou bien la consommation du sang animal, nous avons une règle selon laquelle dès qu’un aliment s’est mélangé à un autre aliment, il est annulé par une proportion de 60 fois plus. C'est-à-dire : dans notre cas, s’il s’agissait d’une casserole de lait dans laquelle ont giclées quelques gouttes de jus de viande, le lait aurait été malgré tout permis à la consommation, car les gouttes de viandes auraient été en très petite quantité, alors que le lait aurait été en plus grande quantité, 60 fois plus que les gouttes de viandes. Par conséquent, ces gouttes de viandes s’annulent et le lait reste permis.
Mais pour notre cas, on peut s’interroger;
Lorsqu’une chose est interdite à titre de danger, est-ce que l’annulation par 60 fois plus est applicable ou pas?
Il est évident que si du poison mortel tombait dans une marmite, il serait catégoriquement interdit de consommer le contenu de cette marmite, même si l’aliment contenu dans la marmite était 1000 fois plus important en quantité que le poison mortel, car les choses liées au danger ne sont pas comparables aux lois de la Torah, et dans un tel cas, il est probable qu’il ne faut pas se fier à la règle de l’annulation par 60 fois plus.
Notre maitre le Rav Ovadia YOSSEF z.ts.l a longuement traité de ce sujet il y a environ 60 ans dans son ouvrage Chou’t Yabiya’ Omer (vol.1 Y.D chap.7), et il stipule que cette question a fait l’objet d’un grand débat parmi les plus grands de ce monde. De nombreux et grands décisionnaires ont tranché la souplesse sur cette question, et ont écrit qu’il n’y a pas de différence entre les sujets de dangers que nous ont dévoilés nos maitres et les sujets de Halacha. Au même titre que le principe de l’annulation par 60 fois plus est applicable vis-à-vis d’interdits alimentaires Halachiques, ainsi ce principe est applicable vis-à-vis d’interdits alimentaires à titre de danger, comme le mélange de poisson et de viande. Dès lors où il y a 60 fois plus que l’aliment qui s’est mélangé, tout est permis à la consommation.
En revanche, certains autres grands décisionnaires interdisent dans ce cas, et disent que lorsque l’interdit est à titre de danger, on ne doit pas autoriser, même s’il y a 60 fois plus.
Dans son développement, notre maitre le Rav z.ts.l cite les propos du Gaon auteur du Péri Toar (le Ora’h ‘Haïm Ha-Kaddoch sur la Torah) qui prouve au moyen de références dans la Guémara que le danger du mélange du poisson avec la viande n’existe que lorsqu’il y un « goût » viande et un « goût » poisson ensemble. Mais lorsqu’il y a annulation par 60 fois plus, et que le goût du mélange n’est donc absolument plus distinct, il n’y a pas à craindre le danger.
Notre maitre le Rav z.ts.l ajoute que même si vis-à-vis d’autres craintes de danger (comme lorsqu’un serpent a introduit son venin dans l’eau par exemple) l’annulation par 60 fois plus n’est pas applicable, ceci n’est valable que pour un véritable danger concret, comme le venin d’un serpent qui est particulièrement dangereux, et même si le venin s’est mélangé dans quelque chose d’une proportion plus importante que lui, le danger est très grand. Ce qui n’est pas le cas pour une chose dont le danger est moins important, comme le mélange du poisson et de la viande, il n’y a pas plus à craindre que pour tous les autres interdits alimentaires, et par conséquent, l’annulation par 60 fois plus est suffisante dans le cas d’un mélange de poisson et de viande.
Notre maitre le Rav z.ts.l a encore élargi son développement en citant les propos du Gaon auteur du Chou’t Béer Chéva’ (chap.38) selon qui, il n’y a de danger en consommant le poisson et la viande ensemble que pour le pays de Bavel (Irak) où vivaient nos maitres du Talmud, et où les poissons avaient pour nature d’être dangereux lorsqu’ils étaient mélangés à la viande, comme nos maitres disent dans le Midrach: « Le poisson pêché à ‘Ako n’est pas comparable à celui pêché à Ispamia ».
Cela signifie donc que la nature des poissons diffère selon les eaux du pays dans lequel ils évoluent.
Même s’il est vrai que sur le plan pratique nous interdisons le mélange du poisson et de la viande dans tous les pays, malgré tout, dans notre cas où il y a eu annulation par 60 fois plus, on peut autoriser.
Notre maitre le Rav z.ts.l cite de très nombreux et de très grands autres décisionnaires qui autorisent dans notre cas, et parmi eux le Séfer Issour Vé-Héter (Ha-Aro’h), le Séfer Or Zaroua’, ainsi que des grands décisionnaires des derniers siècles, comme l’auteur du Kénessett Ha-Guédola et le Péri ‘Hadach entre autres.
En conclusion: Au même titre que pour tous les mélanges d’interdits alimentaires, s’il y a 60 fois plus contre l’aliment interdit, il est permis de consommer du mélange, ainsi vis-à-vis du mélange de poisson et de viande, si quelques gouttes du jus de viande ont giclées par erreur dans la marmite de poisson, les gouttes s’annulent par 60 fois plus de poisson et il est donc permis de consommer le poisson.