Birkatt Ha-Ilanott
Lorsqu’on sort durant les jours de Nissan, et que l’on voit des arbres fruitiers encore en fleur, on récite:
Barou’h Ata A.D.O.N.AÏ Elo-hénou Mele(h Ha-‘Olam Chélo ‘Hisser Bé’Olamo Kéloum Oubara Bo Bériyott Tovott Vé-ilanott Tovot Léhanott Bahem Béné Adam ».
(Traduction : Tu es la source de la bénédiction Toi Hachem roi de l’univers qui n’a rien négligé dans Son monde, et qui y a créé de bonnes créatures, ainsi que de bons arbres, afin d’en faire profiter les êtres humains).
Nos maitres ont instauré cette bénédiction car la floraison des arbres est un phénomène renouvelé d’année en année, puisque l’homme voit des arbres asséchés qui sont soudainement fleuris par Hachem (explication du Raha dans le livre Pékoudatt Ha-Léviim sur Béra’hott 43b).
On ne doit réciter cette bénédiction qu’une seule fois dans l’année.
Birkatt Ha-ilanott pendant Chabbat
Cette année (5782), le jour de Roch H’odech Nissan tombe Chabbat (2 avril).
Or, puisque nous nous efforçons de réciter Birkatt Ha-Ilanott dès le jour de Roch H’odech Nissan, nous allons expliquer si l’on peut réciter cette bénédiction le jour de Chabbat, ou bien s’il est préférable de la repousser à dimanche.
« De peur d’arracher »
Avant tout, nous devons traiter le problème vis-à-vis de l’enseignement de la Guémara Sotta (37b):
Rabba dit: Il est permis de sentir le myrte pendant Chabbat, même lorsqu’il est encore rattaché à sa racine. Par contre, il est interdit de sentir un Etrog (cédrat) lorsque celui-ci est encore rattaché à sa racine.
Cela signifie qu’une feuille de myrte, même lorsqu’elle n’est pas détachée de l’arbre, il est permis de la sentir pendant Chabbat, mais il est interdit d’en faire de même avec un Etrog.
La Guémara explique que le myrte est destiné uniquement à être senti, et de ce fait, il n’est pas à craindre d’en arriver à l’arraché. Ce qui n’est pas le cas du Etrog qui est un fruit comestible, il est davantage à craindre d’en arriver à l’arracher lorsqu’on va le sentir.
C’est ainsi que tranchent tous les décisionnaires.
A partir de là, il en découle de façon certaine qu’il n’y a pas à interdire la récitation de Birkatt Ha-Ilanott pendant Chabbat car les fruits sont absents de l’arbre au moment de la bénédiction. Et même si les fruits étaient présents, on ne les touche absolument pas au moment de la bénédiction, et on ne les sent pas non plus.
De ce fait, il n’y a pas à craindre de les arracher.
Les propos de Rabbi H’aïm FALLAG’I
Cependant, le Gaon Rabbi H’aïm FALLAG’I écrit dans son livre Mo’ed Lé’Hol H’aï (chap.1 note 8):
« Dans la ville de Constantinople (Turquie), l’usage est de réciter Birkatt Ha-Ilanott même les jours de Chabbat ou de Yom Tov. Mais dans notre ville de Izmir, je n’ai jamais vu ni entendu qui que ce soit réciter cette bénédiction pendant Chabbat ou Yom Tov. Si la raison est le risque d’arracher les bourgeons pour les sentir, alors même les gens de Constantinople devraient prendre cette crainte en considération et s’abstenir de réciter cette bénédiction pendant Chabbat. » Fin de citation.
Mais à partir des propos des décisionnaires selon lesquels il n’y a pas à craindre d’arracher les bourgeons des arbres puisque les fruits sont absents et puisque l’on ne sent absolument pas les bourgeons, il n’y a donc pas à prendre en considération la remarque faite par le Gaon Rabbi H’aïm FALLAG’I sur ce point.
L’essentiel est donc l’usage de la ville de Constantinople où l’on récitait cette bénédiction même pendant Chabbat. C’est ainsi qu’écrivent de nombreux décisionnaires.
La réticence des gens de Izmir ou d’autres endroits à réciter cette bénédiction pendant Chabbat s’explique probablement grâce aux propos du Gaon Rabbi Rah’amim H’aï H’ouita Ha-COHEN z.ts.l (notre maitre le Rav z.ts.l disait de ce Gaon qu’il n’avait pas son pareil dans notre génération et qu’il était un véritable géant de la Torah. Il ne tarissait pas d’éloges à son sujet, aussi bien sur sa grandeur dans la Torah que sur ses très grandes qualités humaines) dans son livre Chou’t Simh’att Cohen (chap.142) où il explique que cette réticence provient probablement du fait d’avoir à sortir les Siddourim (livres de prières) de la synagogue vers les jardins afin de pouvoir réciter à partir du Siddour et de dire le texte du « Yéhi Ratson » que l’on a l’usage de dire. Or, du fait qu’en dehors d’Israël il n’y avait pas de ‘Erouv et qu’il était donc strictement interdit de déplacer des objets de la synagogue vers l’extérieur pendant Chabbat, ils se sont donc abstenus de réciter cette bénédiction pendant Chabbat. Mais dans des endroits où il est permis de déplacer des objets d’un domaine à l’autre pendant Chabbat, ou bien que les Siddourim ne sont pas nécessaires, il est certain que l’on est autorisé à réciter cette bénédiction pendant Chabbat.
Les propos du Kaf Ha-H’aïm
Cependant, le Gaon Rabbi Ya’akov H’aïm SOFER z.ts.l écrit dans son livre Kaf Ha-H’aïm (chap.226 note 4) en ces termes:
« On ne doit pas réciter Birkatt Ha-Ilanott pendant Chabbat. Il semble que selon les propos des Kabbalistes, la récitation de cette bénédiction entraîne un tri des étincelles de sainteté contenues dans le végétal. Selon cela, il y a là un interdit supplémentaire à titre de Borer (trier pendant Chabbat). De ce fait, il est interdit de réciter cette bénédiction pendant Chabbat. » Fin de citation.
Cela signifie que selon les Kabbalistes, il existe des « étincelles de sainteté » contenues dans le végétal, et ces étincelles se retirent du végétal grâce à la bénédiction récitée et retournent à leur véritable place. Ce geste s’apparente donc à « trier » pendant Chabbat.
Dans un autre de ses livres, Chou’t Béer Maïm H’aïm manuscrit, il mentionne la question qui lui fut posée: Les différentes bénédictions et autres prières que nous récitons provoquent le même phénomène, pourquoi sont-elles malgré tout autorisées pendant Chabbat ? Il répondit que ces bénédictions et prières sont « de la nécessité du moment », et selon la Halacha, il est permis de trier pendant Chabbat lorsque c’est pour une utilisation immédiate.
Mais notre maitre le Rav Ovadia YOSSEF z.ts.l (dans Chou’t Yéh’avé Da’at vol.1 chap.2) s’étonne particulièrement des propos du Kaf Ha-H’aïm sur ce point, car sur quoi s’appuie-t- il pour prétendre que l’interdit de trier pendant Chabbat est également relatif à un domaine spirituel comme celui-ci ? Notre maitre le Rav z.ts.l s’étend partiellement sur le sujet afin de réfuter catégoriquement les propos du Kaf Ha-H’aïm sur ce point, et il explique que l’on ne doit pas trancher la Halacha à partir de sujets Kabbalistiques comme ceux-là.
Par conséquent, il conclut sur le plan pratique qu’il est permis de réciter Birkatt Ha-Ilanott pendant Chabbat.
Dans la pratique, notre maitre le Rav z.ts.l écrit dans son livre H’azon Ovadia sur les lois de Péssah’ (page 23) que c’est ainsi qu’il faut agir et ne pas s’abstenir de réciter Birkatt Ha-Ilanott pendant Chabbat. Il ajoute que c’est ce qu’il fit lui-même en l’année 5755 (1995) où Roch H’odech Nissan tomba Chabbat, « et nous avons récité Birkatt Ha-Ilanott pendant Chabbat ».
En conclusion: Il est possible de réciter Birkatt Ha-Ilanott pendant Chabbat. En particulier lorsque la majeure partie du public se rend à la synagogue pendant Chabbat et qu’il est à craindre que les gens ne réciteront pas cette bénédiction si elle était repoussée, ou bien qu’ils la réciteraient seuls alors qu’il est préférable de la réciter en public pour agrandir davantage la gloire du Roi.